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Parlons banque

Pourquoi des entreprises similaires paient des frais bancaires différents

09 novembre 2021

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10 minutes

Les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Si les banques étaient des entreprises comme les autres, nous n’aurions pas besoin de les qualifier d’institutions. Il suffirait de parler d’entreprises bancaires. Mais personne ne fait ça. Alors, pourquoi parlons-nous d’institutions bancaires quand nous évoquons les banques ? Peut-être parce que les banques ont longtemps été contrôlées par les pouvoirs publics. Peut-être parce qu’il est tentant de les assimiler à des administrations. Certains observateurs vont même jusqu’à considérer que les banques font partie d’un secteur « semi-privé » ou « semi-public ».

Ce statut atypique vaut aux banques d’occuper une place un peu à part dans notre économie. Parce qu’elles en sont l’une des forces motrices, il semble qu’elles aient aussi le privilège de la contrôler. Et peut-être est-ce aussi pour ces raisons que les banques entretiennent avec leurs clients des relations que l’on ne peut pas qualifier de normales, d’ordinaires, ou de banales. Non vraiment, les banques ne sont pas des entreprises comme les autres, et cette différence se manifeste jusque dans leurs méthodes de facturation.

Les tarifs bancaires n’ont pas la réputation d’être faciles à comprendre. C’est même l’inverse. Les clients des banques se plaignent souvent de ne pas comprendre d’où sortent les frais qui leur sont facturés. Une récrimination d’autant plus persistante de la part des clients, que les banques détiennent le privilège de pouvoir « se servir » sur les comptes de leurs clients — alors que n’importe quel autre fournisseur devra d’abord adresser une facture à son client s’il tient à être payé par ce dernier.

Les frais bancaires ont toujours été le principal sujet de discorde entre les banques et leurs clients. Certes, le prix d’un bien ou d’un service fait l’objet de contestations dans la plupart des échanges commerciaux. Négocier fait partie de la vie des affaires. Mais pour bien négocier ce que l’on paye, encore faut-il comprendre ce que l’on paye. Or, lorsqu’on évoque les frais prélevés par les banques, il est coutumier d’entendre que ceux-ci sont incompréhensibles, imprévisibles. Et il semble bien que cette imprévisibilité soit imputable aux pratiques tarifaires des banques, qui facturent, des frais fixes, certes, mais qui accordent aussi une large part aux frais variables.

Des frais bancaires qui augmentent lorsque le volume de vos flux augmente

Parmi les fondamentaux du commerce, il en est un que les acheteurs et les vendeurs n’ignorent jamais : l’évolution d’un prix est généralement inversement proportionnelle à l’évolution des quantités échangées. En d’autres termes, plus vous achetez une grande quantité de biens ou de services, plus le vendeur sera enclin à vous accorder une baisse de prix. Or ce principe ne se vérifie pas toujours avec les banques. Bien au contraire, plus vous confiez de flux à votre banquier, plus vos frais bancaires risquent d’augmenter.

Le paradoxe de cette situation, c’est que ce sont les banques elles-mêmes qui cherchent à vous convaincre de faire transiter davantage de flux sur vos comptes. Bien sûr, ce ne sont pas vos flux entrants, ceux qui correspondent à votre chiffre d’affaires, qui sont taxés. En revanche, lorsqu’il vous faut effectuer des paiements (régler des fournisseurs, payer des salaires), ce sont vos mouvements débiteurs qui seront commissionnés. Votre banque « récompense » l’effet volume qu’elle vous a demandé, en vous facturant des commissions sur vos mouvements débiteurs.

La commission de mouvement explique déjà les différence de frais bancaires d’un client à un autre

Elle ne vous a sans doute pas échappé. La commission de mouvement constitue un montant non négligeable du total de l’arrêté de compte (la facture qui reprend l’intégralité des frais liés au fonctionnement de votre compte) que votre banque vous adresse chaque mois ou chaque trimestre. Exprimée en pourcentage (%) ou par mille (‰), la commission de mouvement s’applique à chaque mouvement inscrit au débit de votre compte (un virement sortant, un prélèvement, un chèque émis). Comme il est probable que vos flux sortants augmentent dans la même proportion que vos flux entrants, plus votre chiffre d’affaires est élevé, plus vous devrez payer de commissions de mouvement.

Les frais bancaires varient d’une entreprise à une autre en fonction de leur taille respective. Mais la taille seule ne suffit pas à expliquer pourquoi deux entreprises en apparence similaires finissent par payer des frais bancaires complètement différents. En plus d’être corrélés aux volumes de flux confiés à la banque, les frais bancaires payés par une entreprise dépendent également d’une négociation entre la banque et l’entreprise en question. Cette négociation, du côté du banquier, sera fortement influencée par la nature des flux (encaissements monétiques, virements, remises de chèque, etc.) que vous ferez transiter par votre compte. À taille comparable, il est donc possible que certaines entreprises paient davantage de frais bancaires que d’autres.

Comment votre banque fixe-t-elle vos tarifs

S’en tenir aux grilles tarifaires que publient les banques ne permet pas d’approcher le véritable coût des services bancaires. Les banques dérogent systématiquement à leurs tarifs de base et négocient au cas par cas avec leurs clients. Chaque entreprise bénéficie en réalité d’une tarification sur mesure.

Une PME qui réalise 2 millions d’euros de chiffres d’affaires et dont le montant total des flux sortants s’élève à 1,8 million d’euros, va subir des écarts de tarifs importants.

Prenons pour hypothèse que cette PME a un fonctionnement relativement simple, avec des flux uniquement localisés dans l’espace SEPA (Single Euro Payments Area) et une moyenne de 50 virements émis chaque mois. Quels pourraient être les écarts de tarifs subis par cette PME selon qu’elle paye le « prix fort » (celui qui figure dans la plaquette tarifaire remise par sa banque) ou un prix négocié ?

  • Le taux de commission de mouvement affiché par les banques dans leur plaquette tarifaire ressort à 0,15 % ou 0,20 %. À ce tarif, cette PME s’acquittera de 2 700 € ou 3 600 € chaque année (1,8 million x 0,15 ou 0,20 %). Or après négociation, il n’est pas rare qu’une PME de cette taille puisse obtenir un abaissement à 0,025 % de sa commission de mouvement, ce qui lui vaudra d’être facturé 450 € par an.
  • Idem en ce qui concerne les frais de virements émis. La plupart des banques facturent 0,20 € par virement sortant. Dans notre exemple, cela correspond à un coût annuel de 120 €. Pour autant, il est possible d’obtenir la gratuité sur ce service.

Plus largement, si l’on compare les frais bancaires qui vous sont appliqués à une jauge, celle-ci variera en fonction des paramètres suivants :

  • le volume de vos flux ;
  • leur origine géographique : zone SEPA (espace unique de paiement en Euro) ou hors zone SEPA (le reste du monde en dehors des 36 pays membres de l’espace SEPA) ;
  • leur nature : monétique (encaissement et paiement par carte), télématique (virements, prélèvement, effets de commerce dématérialisés), ou « papier » (chèques, effets de commerce).

À ces frais variables, s’ajouteront des frais fixes comme les abonnements de banque à distance, les frais de tenue de compte, ou encore l’adhésion à un contrat monétique accepteur — pour les entreprises qui reçoivent des paiements par carte.

Le catalogue des frais bancaires : un inventaire à la Prévert qui n’a rien de poétique

Les plaquettes tarifaires des banques se sont étoffées au fil du temps. Sans doute parce que leur offre s’est enrichie. La multiplication des services de banque à distance ou l’avènement de nouveaux moyens de paiement, comme le virement instantané, y ont contribué. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une brochure tarifaire bancaire comporte une cinquantaine de pages. Aux lignes consacrées à la tarification proprement dite se sont ajoutées de nombreuses pages d’explications, qui définissent les termes employés dans les brochures. Ce dernier point illustre bien la complexité des tarifs bancaires. La longue liste des frais qui sont répertoriés ne permet pas aux dirigeants de prévoir ce que va coûter le fonctionnement d’un compte bancaire sur une période donnée. Et cela se vérifie d’autant plus lorsque le chiffre d’affaires d’une entreprise est constitué d’une grande diversité de flux : encaissements monétiques, réception de virements domestiques et étrangers, remise de chèques, d’effets de commerce, etc.

Le choix des banques de ne pas « forfaitiser » leurs services (substituer à une pléthore de commissions un tarif fixe facturé chaque mois) témoigne de l’importance qu’elles accordent à leur propre rentabilité. Aussi préfèrent-elles identifier le coût de revient de chaque opération que réalise un client afin de mieux construire leur marge bénéficiaire. Et tant pis si le client n’y comprend rien ou s’il ne peut pas se projeter.

En quoi la nature de vos flux influe sur le montant de votre facture bancaire

Un banquier ne fait pas les choses au hasard. Lorsque vous le sollicitez pour obtenir des conditions dérogatoires sur les opérations que vous réalisez avec lui (prélèvements, virements, encaissements monétiques, etc.), il va minutieusement étudier le fonctionnement de votre compte. Si vous êtes un nouveau client, il aura pris le soin de vous poser quelques questions sur la nature de vos flux :

  • Effectuez-vous des virements ? À quelle fréquence ?
  • Émettez-vous des chèques et en quelle quantité ?
  • Combien de chèques encaissez-vous chaque mois ?
  • Réalisez-vous des opérations monétiques ?
  • Devez-vous effectuer des virements hors zone SEPA ?
  • Quel est le montant moyen de chacune de ces opérations ?

Grâce à ces indications, votre banquier pourra estimer le PNB (produit net bancaire) qu’il va réaliser avec vous. Cet indicateur lui permet d’estimer la marge brute que génère chaque compte client, et de savoir ce que lui rapportera et ce que lui coûtera chaque type d’opération que vous effectuerez sur votre compte.

Globalement, l’objectif de votre banquier est de vous proposer une tarification qui lui permettra de rentabiliser la relation qu’il entretient avec vous, c’est-à-dire d’avoir un PNB positif. Sans se détourner de cet objectif, il sera néanmoins prêt à effectuer quelques concessions. Il pourra par exemple accepter de réduire sa marge sur certaines opérations comme les virements. En revanche, soucieuses d’alléger leurs tâches administratives, les banques ont tendance à faire payer au prix fort toutes les opérations qui nécessitent un traitement manuel.

Il faut entendre par là les instructions transmises sous forme « papier » (comme les ordres de virement par fax) ou les traitements d’effets de commerce, également sous forme papier (lettre de change et billet à ordre). Les entreprises qui recourent à ce type de supports paieront plus de frais bancaires que d’autres entreprises de taille comparable. Et pour tous les frais que votre banquier ne peut pas directement vous facturer, votre banque trouvera sans doute une manière de vous les facturer indirectement. Si certains services sont gratuits, comme le traitement des chèques, votre banque n’hésitera pas à majorer le prix d’autres prestations.

Pourquoi certaines entreprises payent plus de frais que d’autres

Quoique les banques aient tenté d’en limiter l’usage, le chèque demeure un moyen de paiement largement répandu en France. Même si son utilisation décroît année après année, les Français ont sorti le chéquier 1,2 milliard de fois en 2020, puisque 1,2 milliard de chèques ont été encaissés cette année-là, d’après un rapport de la Banque de France. Il s’agit également du moyen de paiement le plus fraudé avec un préjudice qui a atteint un niveau record de 538 millions d’euros, toujours en 2020.

Le traitement des chèques occasionne pour une banque « remettante » (celle qui reçoit de son client une remise de chèque à encaisser) de lourdes sujétions administratives. Et ce, même si à partir de 2002 les banques ont généralisé la dématérialisation du chèque en mettant fin à sa circulation physique au profit de l’échange d’image chèque (envoi au paiement sous forme électronique). La fraude touche de surcroît les établissements bancaires qui prennent parfois à leur charge tout ou partie des préjudices subis par leurs clients.

Or, le principe de gratuité ne permet pas aux banques de faire payer à leurs clients les coûts de traitement des chèques. Les banques s’interdisent à la fois de facturer les chéquiers qu’elles délivrent à leurs clients ainsi que les frais liés à la scannérisation et à l’archivage de ceux qui leur sont remis à l’encaissement. Pour autant, lorsqu’il analyse le fonctionnement de votre compte, votre banquier n’omet pas de prendre en considération les charges liées aux chèques que vous émettez ou que vous encaissez. Et s’il relève un nombre important d’opérations de ce type, il pourra vous en imputer indirectement le coût en majorant par exemple vos frais fixes ou votre commission de mouvement.

Le montant de vos frais bancaires ne va pas seulement dépendre des volumes que vous allez confier à votre banquier. La nature des opérations que vous effectuerez avec lui ainsi que les supports que vous utiliserez auront une influence sur vos frais bancaires. Partant, il vous sera possible d’en diminuer le coût en optimisant la gestion de vos moyens de paiement (suppression du papier).

Mais à taille comparable, les entreprises dont l’activité nécessite de multiples opérations bancaires (flux entrants ou sortants) seront davantage « taxées » que celles qui effectuent un petit nombre de mouvements au débit et au crédit. De manière certes un peu restrictive, il est possible d’esquisser le portrait type de l’entreprise qui supporte des frais bancaires importants (1) et de celle qui paie à minima (2) :

  1. Entreprise dont l’activité est orientée B To C (tournée vers les particuliers) avec de nombreux fournisseurs, des paiements fractionnés, à la fois par chèque, effets de commerce, virements SEPA et hors zone SEPA, et recevant des règlements par chèque, espèce ou encaissement monétique ;
  2. Entreprise B To B (tournée vers les entreprises) dont le compte ne fonctionne au débit et au crédit qu’avec des virements ou des prélèvements SEPA. Cette entreprise paiera moins de frais que la première.

Dans ce dernier cas de figure, une tarification au forfait pourra s’avérer plus chère que le mix traditionnel reposant sur le couple frais fixe/frais variable, surtout si la banque vous accorde un gros rabais. Privilégiant une approche rationnelle, nous avons toutefois opté chez Memo Bank pour des abonnements dont le prix ne varie pas d’un mois sur l’autre. Nous sommes persuadés que le véritable coût d’une banque pour son client ne se résume pas à ce qu’elle lui facture, mais au temps qu’elle lui fait perdre ou qu’elle lui fait gagner.

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