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Parlons banque

Pourquoi certaines PME ont plusieurs banques (et pourquoi c’est une bonne idée)

08 janvier 2021

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8 minutes

Brice Vimont, notre directeur commercial, répond à vos questions sur la multi-bancarisation des PME.

Vous dites qu’il est risqué de n’avoir qu’une seule banque quand on est une PME. Pourquoi ? Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

Si vous dirigez une PME et que tous les crédits de votre entreprise sont gérés par une seule et même banque, alors vous êtes à la merci de votre unique banque. De notre point de vue, c’est un risque. En mettant tous vos œufs dans le même panier, vous prenez le risque de tout perdre s’il arrive quelque chose à votre panier. Qu’une nouvelle direction soit nommée à la tête de votre banque, ou que votre banquier change sa politique en matière de prêts aux entreprises, et ce sont toutes vos lignes de crédit qui peuvent être réduites, voire coupées, comme ça, sèchement — moyennant un simple préavis de 60 jours.

Votre banquier peut ainsi vous dire « oui » un jour, et « non » deux mois plus tard, sans que vous ayez votre mot à dire dans l’histoire. Bien sûr, vous pourrez toujours essayer d’aller voir une nouvelle banque au moment où votre banque habituelle vous fermera le robinet, mais la nouvelle banque vous verra venir, elle sera méfiante. C’est exactement ce qui s’est passé au printemps 2020, quant le prêt garanti par l’État (PGE) a été mis en place en France : les banques ont privilégié leurs clients historiques au moment d’attribuer les PGE. Si plus de 3 PME sur 4 ont au moins 2 banques (d’après le groupe BPCE), c’est précisément pour éviter de se retrouver coincées en cas de refroidissement des relations avec l’une de leurs banques.

Si les banques favorisent leurs clients les plus anciens, pourquoi les PME devraient-elles entrer en relation avec plusieurs banques ? N’est-ce pas contradictoire avec votre discours ?

Les banques pour les entreprises favorisent leurs clients historiques, c’est vrai, et pour cause : elles ont tout à gagner à bien connaître les entreprises à qui elles accordent des financements. Plus les banques connaissent leurs clients et mieux elles maîtrisent les risques qu’elles prennent quand elles leur accordent un crédit ou une autorisation de découvert. Mais ne vous y trompez pas : quand une entreprise n’a qu’une seule banque, la relation profite avant tout à la banque, car cette dernière y gagne un accès privilégié aux flux de trésorerie de l’entreprise.

Comme la banque voit tout ce qui se passe, elle peut alors se permettre d’accorder des faveurs aux entreprises qui se portent bien, dans le but de les fidéliser, de les maintenir dans son giron, son portefeuille de clients. En gros, la banque vous connait bien, donc elle vous traite bien, vous accorde de bons tarifs, et ainsi de suite… Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, jusqu’au jour où votre entreprise se porte un peu moins bien… À ce moment-là, quand votre chiffre d’affaires pique du nez, la banque peut changer son fusil d’épaule et refuser de vous accorder une rallonge ou un soutien financier, sans vous laisser le temps de vous retourner. Toutes les petites faveurs qui vous auront été accordées jusque-là ne vous aideront hélas pas à combler votre trou de trésorerie ou à financer votre projet.

Pour résumer, le fait de n’avoir qu’une banque peut rapporter un peu par beau temps, mais il peut aussi coûter très cher en cas de tempête. Les inconvénients potentiels excèdent de loin les gains éventuels. C’est la raison pour laquelle nous conseillons à nos clients d’entrer en relation avec plusieurs banques (au sens d’établissement de crédit) s’ils pensent avoir besoin de crédits un jour.

Votre argument s’entend pour les PME qui traversent un trou d’air. D’accord. Mais est-ce que les PME qui vont bien ont vraiment intérêt à diluer leur relation bancaire en allant voir plusieurs banques ?

Oui, les PME en croissance gagnent à avoir plusieurs banques elles aussi. Elles gagnent à le faire parce qu’elles ne sont pas à l’abri d’une mauvaise passe elles non plus, bien sûr. Mais elles gagnent aussi et surtout à le faire pour maximiser les montants qu’elles peuvent emprunter. Si vous avez besoin de 300 000 €, il est possible que votre banquier n’accepte pas de vous les prêter, pour tout un tas de raisons. En revanche, vous ne devriez pas avoir trop de mal à emprunter deux fois 150 000 €, auprès de deux banques différentes.

Pour le dire très simplement : il est plus aisé d’obtenir plusieurs petits crédits auprès de plusieurs banques, qu’un gros crédit auprès d’une seule banque. Pour vous qui empruntez, le résultat est le même au total, mais pour les banques qui vous prêtent, les montants en jeu sont moindres, car vous répartissez alors votre emprunt (et les risques qui y sont associés) sur plusieurs créanciers, sur plusieurs établissements bancaires. Les banques font comme leurs clients : elles évitent de mettre tous leurs œufs dans le même panier. Mais l’accès facilité au crédit n’est pas la seule raison qui justifie que vous fassiez des infidélités à votre banque.

En faisant jouer la concurrence entre plusieurs banques, vous pourriez aussi bénéficier de tarifs plus intéressants pour vos opérations bancaires, de commissions de mouvement réduites, ou encore de garanties moins contraignantes quand vous empruntez. Ne laissez pas votre banque avoir le monopole de vos flux et de vos crédits. En tant que client, vous avez le choix ; profitez-en, jouez-en.

Très bien. Admettons que vous ayez raison, Brice. À partir de quand une PME doit-elle aller voir une deuxième banque ?

La plupart des PME devraient avoir au moins deux banques selon nous. Le meilleur moment pour aller voir une deuxième banque est donc tout de suite, maintenant, là, aujourd’hui. Une PME qui tourne bien n’a rien à gagner à traîner avant d’ouvrir un compte dans une seconde banque. Nous conseillons aux dirigeants de parler à une autre banque dès qu’ils approchent du million d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Noté. Donc si j’ai déjà une banque principale, ou une néo-banque, il ne me reste plus qu’à ouvrir un compte chez Memo Bank et ma PME est sauvée, c’est bien ça ?

Nous serions très heureux de vous compter parmi nos clients, bien sûr, mais peu importe le nom de votre banque secondaire, du moment que vous en choisissez une. Le plus important pour votre PME est de conserver un accès au crédit. Si vous êtes déjà client d’une banque traditionnelle, vous avez déjà accès au crédit, certes, mais vous pourriez malheureusement le perdre en cas de coup dur. Avoir une autre banque à contacter en cas de besoin ne peut donc pas vous faire de mal. Si vous êtes client dans une néo-banque, vous n’avez pas accès à des crédits — ni au PGE, comme certains entrepreneurs ont hélas pu le constater — vous avez donc d’autant plus à gagner à entrer en relation avec un établissement capable de vous accorder un prêt.

Si une PME gagne à avoir 2 banques, y a-t-il un moment à partir duquel elle gagnerait à en avoir 3 ou 4 ? Est-ce que 2 banques suffisent dans tous les cas, pour toutes les PME, tout le temps ?

Plus de 4 PME sur 10 ont d’ores et déjà des comptes dans au moins 3 banques (toujours d’après BPCE). C’est un fait, une réalité qui montre bien qu’avoir seulement 2 banques ne convient pas à toutes les PME. Dans ces conditions, il ne s’agit pas tant de déterminer si une PME doit parler à plusieurs banques (elle a tout intérêt à le faire), mais quand elle doit le faire. Quel est le meilleur moment pour aller voir une troisième banque quand on en a déjà deux ? À partir de quand frapper à la porte d’une quatrième banque quand on en a déjà trois ?

Si les réponses à ces questions varient en fonction des besoins de l’entreprise qui se les pose, il existe des seuils de chiffre d’affaires à partir desquels une entreprise gagne à ajouter une banque à son escarcelle. En partant du principe qu’une entreprise gagne à avoir 2 banques à partir d’un million d’euros de chiffre d’affaires annuel, nous considérons qu’une PME devrait entrer en relation avec une troisième banque dès que son chiffre d’affaires atteint 3 millions d’euros. Une fois la barre des 5 millions d’euros passée, ajouter une quatrième banque peut s’avérer utile, surtout si les besoins de financement deviennent importants.

Nous avons beaucoup parlé du nombre idéal de banques qu’une PME devrait avoir. Mais comment choisir les différentes banques avec lesquelles entrer en relation ? Quels sont les critères à prendre en compte ?

Là encore, le maître-mot est « diversification ». Choisissez des banques dont les points forts complètent les points faibles de votre banque principale. Entrez en relation avec des banques qui ne ressemblent pas à votre banque actuelle. Allez chercher ce qui vous manque. Votre banque historique ne propose pas de cartes bancaires virtuelles ? Sélectionnez une banque secondaire qui peut vous en offrir. Votre banque principale est une banque mutualiste ? Optez pour une banque secondaire coopérative ou privée. Votre banque est une banque régionale ? Ouvrez un compte dans une banque nationale ou internationale, pour varier les échelles géographiques.

Votre banque appartient à un groupe ? Vérifiez que la banque secondaire à qui vous parlez n’appartient pas au même groupe que celui de votre banque historique. Votre banque principale traîne les pieds pour financer vos projets immatériels ? Allez voir une banque capable de financer le développement de logiciels ou l’achat de marques. Et si les services en ligne fournis par votre banque habituelle sont trop souvent indisponibles, ou pas assez intuitifs, regardez du côté des banques réputées pour leur fiabilité et la qualité de leurs applications. Quitte à ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier, autant choisir des paniers différents les uns des autres, pour jouer sur leur complémentarité.

Une fois qu’une PME a ouvert des comptes dans plusieurs banques différentes, comment doit-elle répartir ses flux de trésorerie entre ses différentes banques ?

C’est une question compliquée, à laquelle nous avons consacré un article tout entier. Pour aller vite, disons que les PME qui ont plusieurs banques devraient songer à ne pas répartir leurs flux de manière égalitaire, en évitant de confier des parts identiques à chacune de leurs banques. Pas de moitié-moitié, en somme. Mieux vaut pratiquer le 70/30, ou le 60/40 que le 50/50. Pourquoi ? Pour faire jouer la concurrence, encore une fois. En accordant plus de flux à votre banque principale qu’à votre banque secondaire, vous poussez votre banque secondaire à bien faire, car cette dernière cherchera à détrôner sa rivale dans le but de capter une part plus importante de vos flux.

Mise à jour du 12 janvier 2021 : nous organisons un webinar sur le thème de la mutli-bancarisation des PME (le fait d’avoir plusieurs banques) le mardi 26 janvier à 11 h 30. L’inscription est gratuite.

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