Pourquoi votre PME devrait avoir plusieurs banques

Dans cette conférence en ligne de 55 minutes, enregistrée le 26 janvier 2021, nous avons demandé à un expert en financement d’entreprise pourquoi les PME gagneraient à avoir plusieurs banques. Découvrez ses réponses et mettez votre PME à l’abri d’un changement de la politique de crédit de votre banque.

Résumé de la conférence

Cette conférence en ligne veut répondre à des questions que se posent nombre de nos clients — sans toujours oser les poser à leur banquier. Parce que la transparence est la base de notre métier, on les a posées pour vous : est-il vraiment utile d’avoir plusieurs banques ? Qu’est-ce que j’y gagne ? Est-ce que je ne détériore pas le lien de confiance ? Ne vais-je pas compliquer la gestion de ma trésorerie au quotidien ?

Pour répondre à ces questions, Brice Vimont, Responsable Entreprises chez Memo Bank, a sollicité le concours et l’expérience de Jean-Marc Tariant, fondateur du cabinet Finance & Stratégie. Ensemble, ils se proposent d’expliquer en détail les fins et bienfaits de la multibancarisation pour les PME. À vos notes, prêts, partez !

Pourquoi avoir plusieurs banques

Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier

Pour répondre à cette question, Brice Vimont a d’abord rappelé l’adage selon lequel il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Principe de précaution, dont les raisons tiennent à la fois aux besoins de vos entreprises, mais aussi (et surtout) au fonctionnement interne des banques. Les contraintes auxquelles elles sont assujetties, notamment en matière de financement, sont en effet extrêmement importantes dans la compréhension de votre relation bancaire.

Parce que les banques sont soumises à des règles prudentielles, elles ne peuvent pas toujours exercer leur métier de prêteurs dans les mêmes conditions et cela se répercute sur la politique d’octroi, c’est-à-dire sur leur capacité à fournir du crédit et les critères d’éligibilité. Il arrive ainsi qu’il y ait un resserrement sur la politique de risque. L’équipe risque va par exemple réduire le montant des prêts et des enveloppes, être plus sélective sur la typologie de clients, le secteur d’activité, ou encore demander plus de garanties…

Vous êtes bien sûr censé faire l’objet d’un traitement individuel, mais il faut comprendre que les banques réfléchissent par groupes et par masse. Vous pouvez ainsi faire la même demande à deux moments de l’année et ne pas obtenir la même réponse, ni les mêmes conditions. D’où l’intérêt d’anticiper ces modifications des politiques d’octroi et d’avoir un deuxième partenaire bancaire (au moins).

La valse à mille temps des chargés d’affaires

Plusieurs banques, ajoute Brice Vimont, permet de vous immuniser contre la valse des chargés d’affaires. La rotation de ces derniers, plus importante dans les grandes banques nationales, s’effectue généralement tous les 18 mois. Cette mobilité s’explique : il s’agit d’éviter qu’une relation d’affect se noue sur la durée entre vous et votre banquier qui pourrait nuire à son objectivité quant aux décisions qui vous concernent.

Il faut ainsi garder à l’esprit que la qualité relationnelle et la confiance instaurées entre vous et votre chargé peuvent être rompues à tout moment, le jour où ce dernier s’en va. L’arrivée de son successeur peut remettre en cause les conditions auxquelles vous aviez droit jusqu’alors. Rien ne l’oblige à maintenir ces conditions. Il peut par exemple remettre en question une simple autorisation de découvert. Or un délai de dénonciation de découvert, c’est 60 jours : un peu court pour aller démarcher d’autres partenaires… Mieux vaut donc anticiper et avoir une solution de repli pour ne pas mettre en péril la trésorerie de votre entreprise. Le conseil de Brice : toujours poser par écrit les conditions et tarifs négociés avec votre chargé.

Plus de banques pour plus de crédits

Enfin, le fait de n’avoir qu’une seule banque pèse sur le montant maximal que vous pourrez emprunter. Vous n’aurez probablement pas trop de mal à emprunter un total de 400 000 € auprès de 2 ou 3 banques, alors qu’il vous sera compliqué d’obtenir 300 000 € d’un seul établissement. Comme vous, les banques n’aiment pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et préfèrent prêter de « petites » sommes à plusieurs entreprises qu’une grosse somme à une seule. C’est ce qu’on appelle, en interne, une « exposition client ». Mutualisez les risques entre plusieurs confrères est une pratique courante. En répartissant vos crédits entre plusieurs banques, 2 à 3 selon la taille de votre entreprise, vous réduisez le risque pris par chacune d’elles. D’une certaine manière, vous leur rendez service.

Si l’on pense au crédit court terme, avoir plusieurs partenaires se justifie d’autant plus : cela va vous permettre de toujours rester dans les limites de vos autorisations. Ce qui, d’une part, va consolider votre position aux yeux des banques, puisque vous jouez moins avec ces limites, et d’autre part a un impact financier direct pour votre entreprise, puisque cela vous coûte plus cher lorsque vous dépassez vos autorisations de découvert.

Le bon nombre de partenaires bancaires

En réalité, il vaut mieux avoir toujours 2 banques au minimum. Bien sûr, le nombre de banques est généralement corrélé au chiffre d’affaires et au besoin réel en financement ; mais à partir du moment où vous avez un crédit ou un projet futur de financement, il faut avoir une seconde banque. C’est un besoin à anticiper, car une mise en relation ne se fait pas du jour au lendemain et ne doit pas être interprétée comme un signe de mauvaise santé économique. Le nouveau partenaire ne connaît pas votre historique et doit fournir des efforts importants pour collecter et analyser vos informations : il faut lui en laisser le temps et vous donner le temps de gagner sa confiance.

Si vous approchez les 2 millions de chiffre d’affaires et que vous avez des besoins plus importants en financement, Brice Vimont recommande une 3ème banque ; à ce stade, en principe, votre service financier est suffisamment structuré pour gérer cette multibancarité.

Si vous avez une situation financière dégradée et des besoins de crédits court terme plus pressants, une 4ème banque est recommandée : vous serez moins dépendant de vos partenaires bancaires pour le cas où ces lignes seraient coupées, ce qui peut arriver à tout moment.

Quelques statistiques, pour boucler cet aparté chiffré : 75% des PME ont au moins 2 banques ; 40 % ont des comptes dans au moins 3 banques (Source : BPCE).

Comment choisir ses partenaires bancaires ?

La complémentarité des banques

Avoir plusieurs banques permet de miser sur la complémentarité des services ou de tirer parti des différences de tarifs (ou de systèmes de tarification) de chacune par rapport à vos besoins. Si vous avez beaucoup de commissions de mouvement, par exemple, préférez une banque qui facture par abonnement, comme Memo Bank. La proximité, en revanche, n’est plus un critère pertinent, d’autant que les remises de chèques se font rares… Plus votre entreprise grandit, plus les produits bancaires dont vous avez besoin vont se diversifier : devises, placements, épargne salariale, solution d’encaissement, etc. Les banques n’ont pas toutes les mêmes spécialisations et il peut être avantageux d’aller voir ailleurs selon l’étendue de vos besoins.

Si vous avez des projets d’internationalisation et que vous avez une banque régionale ou mutualiste, il vaudra mieux privilégier une banque internationale. Dans la même logique, certaines banques sont spécialisées sur tel ou tel secteur d’activités ; privilégiez celle qui est a priori la plus à l’aise avec votre activité.

Il faut encore considérer l’indépendance des banques dans le choix de votre second partenaire bancaire. Car la tendance est à la concentration (ex : Société Générale et Crédit du Nord), et en cas de contexte économique compliqué, ces banques auront tendance, aussi, à s’accorder sur leur politique d’octroi. Enfin, plusieurs fintechs gèrent désormais certains services bancaires et peuvent être une bonne alternative (ex : Ibanfirst sur la devise).

Misez sur le relationnel (mais pas que)

Vous avez d’abord besoin d’un banquier qui vous comprend ; qui comprend votre activité, vos besoins, les spécificités de votre entreprise. Un banquier réactif dès l’entrée en relation ; qui inspire confiance, qui vous conseille. Si vous êtes optimiste sur ces premiers éléments, c’est un bon début. Sinon, passez votre chemin.

Pour vous prémunir contre la valse des conseillers, demandez aussi à rencontrer son responsable ; il y a moins de turnover chez les directeurs d’agence ou dans le top management et il est toujours bon de rencontrer deux personnes en cas de départ de votre chargé d’affaires.

Il est aussi intéressant de connaître le circuit de décision de la banque, ce qu’on appelle le schéma délégataire. En effet, certains conseillers ont des délégations très faibles (dès 50 000 €, ils ne décident plus). Or le pouvoir de décision de votre conseiller, que ce soit sur la partie crédit ou dans la négociation des différents frais, est une donnée essentielle. Pas toujours la plus facile à connaître, il est vrai. Tout le contraire de la réactivité qui doit être immédiatement sensible : si l’entrée en relation est compliquée, alors qu’un chargé d’affaires — qui est aussi un commercial — a des objectifs d’ouverture de nouveaux comptes, c’est soit qu’il n’est pas assez réactif, soit parce que ses outils ou l’organisation interne de sa banque le freinent dans son quotidien. Là encore, passez votre chemin !

Le chemin de la conférence se poursuit en la compagnie de Jean-Marc Tariant, directeur fondateur du cabinet Finance & Stratégie, que Brice Vimont interroge sur deux points essentiels : le lien de confiance qui unit une entreprise à sa/ ses banque(s), et la gestion de sa trésorerie quand on choisit d’avoir plusieurs partenaires bancaires.

Comment répartir les flux entre différentes banques ?

La question de la répartition, poursuit Jean-Marc Tariant, c’est le frein à l’ouverture de la deuxième ou de la troisième banque. Le premier frein, d’ailleurs, dans une entreprise, c’est le comptable interne qui s’inquiète d’avoir à gérer plusieurs banques, à changer son mode de fonctionnement, et qui se dit : « on va bien aujourd’hui, on verra quand ça ira mal… »

Attention : on ouvre une deuxième banque par anticipation. On n’attend pas que ça aille mal. C’est comme une roue de secours : on n’attend pas d’avoir crevé pour aller en chercher une. Une deuxième banque, on doit pouvoir compter dessus par la répartition de ses risques et le contrat de confiance qu’on a passé avec ses interlocuteurs, qui nous connaissent et connaissent l’entreprise, et qui vont être en capacité de réagir en logique de soutien pendant les périodes difficiles. Avoir au moins deux banques est stratégique. Le prix à payer, c’est effectivement une contrainte d’organisation.

Quelques pistes pour limiter les contraintes d’organisation

Ce que recommande Jean-Marc Tariant, c’est de mettre dans la deuxième banque où l’on va ouvrir un compte des choses simples à retenir et massives en termes d’impact de volume. Tout le paiement des relations de type fiscal (TVA, IS), par exemple, et, si c’est insuffisant, les charges sociales. Le fiscal et le social seront donc dans cette deuxième banque en termes de débit. Dans un premier temps, on ne change rien à ses encaissements ; on ne demande pas à ses clients de faire un virement sur une nouvelle banque. Et l’on met en place un virement ponctuel dans cette banque sur une période déterminée (une fois par semaine ou tous les 15 jours) pour approvisionner son compte.

Aux nouveaux clients, en revanche, on donne ses nouvelles coordonnées bancaires pour approvisionner régulièrement ce deuxième compte ; cela évite des débits sur des banques que l’on n’aurait pas assez approvisionnées. Le pire serait que l’on n’ait pas enclenché assez de volumes par les débits mis dans cette deuxième banque, qui doivent être massifs, pour se retrouver avec un 90/10 en termes de flux répartis entre les deux banques, alors que les crédits devraient se répartir sur une base 60/40 (ou 70/30).

Les banques ont dans l’idée que les flux correspondent au poids en pourcentage des crédits pris. Si je finance 30 % des crédits d’une entreprise à moyen ou long terme, j’attends 30 % des flux, au moins au débit, parce que ce sont ceux qui nourrissent les commissions de mouvement qui intéressent fondamentalement les banques. 95% des banques françaises ont des commissions de mouvement qui sont impactées par les flux débiteurs : c’est ce qui les intéresse. Quand on est banquier, moins on a d’opérations créditeurs, mieux on se porte ; encaisser les chèques, le cash, ça prend du temps, c’est coûteux. Les débits, en revanche, on court après. Des débits à vue, non rémunérés ; ces soldes à vue permettent aussi à des banques, qui ont besoin de dépôts à vue pour prêter à leurs clients, d’améliorer leurs comptes de résultats et donc de pouvoir prêter à de meilleures conditions.  

Gérer vos comptes et votre trésorerie avec plusieurs banques

Une entreprise qui a des comptes débiteurs est une entreprise malade, qui a de la fièvre. Plus le crédit court terme est important, plus cette fièvre est importante. Car le banquier peut dénoncer du jour au lendemain ces crédits court terme ; il suffit pour cela qu’un nouveau directeur d’agence arrive et ne vous fasse pas confiance… Jean-Marc Tariant l’affirme sans ambages : pour lui, qui dit crédits court terme dit entreprise fragile.

Quand on a des problématiques de trésorerie, il faut les compenser par des crédits moyen/long terme. Aujourd’hui, le prêt garanti par l’État est une manne extraordinaire. Les banques peuvent bien sûr faire des prêts à moyen ou long terme de consolidation du fonds de roulement avec des garanties de la BPI ; c’est une autre solution. Les problèmes de crédit court terme viennent d’une insuffisance de haut de bilan. Et celui-ci se compose de deux choses : des prêts moyen/ long terme et des fonds propres. Donc si on est malade sur le court terme, il faut parfois accepter d’ouvrir son capital à des capitaux risqueurs, à des business angels, à des prêts participatifs, à des prêts de consolidation (BPI en fait certains, qui sont excellents)… Et il y a le PGE. Donc la première recommandation, c’est : pas de trésorerie court terme négative, surtout si elle devait s’amplifier. 

Deuxième élément : même si vous êtes ponctuellement à découvert, les outils informatiques à disposition des banques leur permettent d’avoir, sur une période de 24 mois, une vision totale sur l’évolution du cycle plus haut/ plus bas et du nombre de jours débiteurs d’une entreprise en heures libres. On a en outre la possibilité, par la centrale des risques (via la Banque de France), d’avoir une vision du cumul des crédits court et moyen terme des clients ; on va avoir accès à ces informations en prospection également. Or quand on voit qu’il y a une dégradation de la trésorerie sur une moyenne/ longue période, ce n’est pas très bon signe quant à la santé financière d’une entreprise. Moralité : méfiez-vous du crédit court terme ou de la baisse de votre trésorerie. Consolidez-la. Surtout dans la période actuelle.

Pour ce qui est des placements, Jean-Marc Tariant recommande, dans la même logique de précaution, de ne pas prendre de risque avec la trésorerie d’entreprise. Il faut viser des placements extrêmement sécurisants (compte à terme, compte livret, compte à vue rémunéré). En tant que chef d’entreprise, il s’agit de gagner sa vie sur son métier, sur son entreprise, et sûrement pas en prenant des risques financiers sur la bourse, avec des produits sophistiqués qui relèvent plus de la gestion de patrimoine que de la gestion de trésorerie d’entreprise…

Une entreprise meurt d’un problème de trésorerie insuffisante, pas d’un niveau d’endettement trop fort. La cotation de risque de la Banque de France veut mettre en avant la fragilité ou non d’une entreprise. On peut perdre de l’argent tant qu’on a de la trésorerie. La mort de l’entreprise, c’est la cessation de paiement ; c’est l’insuffisance de trésorerie. La cotation Banque de France, comme en interne dans les banques, est essentiellement basée sur cette notion de fragilité de trésorerie. Elle a un impact important sur la capacité d’un établissement bancaire à pouvoir vous accorder du crédit, ainsi que sur les taux, etc.

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