Les cotations Banque de France et le financement bancaire en 2021

Dans cette conférence en ligne de 50 minutes, enregistrée le 9 mars 2021, vous ferez le tour des éléments qui comptent pour la banque lorsque votre PME présente un dossier de financement.

Résumé de la conférence

Dans cet article, nous ferons le tour de ce que les banques attendent d’un dossier de financement et plus précisément :

  • Qu’est-ce que la banque analyse lors de l’étude d’un dossier de financement ?
  • À quoi sert la cotation Banque de France ?
  • Comment les bilans et le profil de l’entreprise sont-ils analysés ?
  • Qu’est-ce qui va guider la politique d’octroi d’une banque ?
  • En cette année particulière, est-il préférable de reporter ses projets de croissance et d’investissements, ou au contraire se saisir des opportunités qui se présentent ?

L’analyse des dossiers

Tout d’abord, il faut savoir que l’étude d’un dossier de financement diffère selon la maturité de la relation entre un dirigeant et son banquier. Si vous venez tout juste d’entrer en relation avec une nouvelle banque, l’étude de votre dossier sera sensiblement plus longue : c’est le temps nécessaire à la connaissance client.

On peut distinguer 4 grandes étapes dans l’analyse d’un dossier :

  • La présentation du projet à la banque et la transmission des documents comptables ;
  • L’étude du dossier par votre chargé d’affaires ;
  • L’envoi du dossier au comité de crédit qui rassemble les risques, les engagements et la gestion de la banque ;
  • La décision.

Bien sûr, il s’agit là d’un processus « idéal ». Dans les faits, cela peut prendre (beaucoup) plus de temps, selon le nombre d’allers-retours entre le chargé d’affaires et les engagements, ou entre le chargé d’affaires et l’entreprise, s’il manque des documents, des informations, et ainsi de suite. Pour accélérer le processus, il faut que la banque implique les équipes risques le plus tôt possible dans l’analyse des dossiers : c’est le parti qui a été pris chez Memo Bank.

Le projet de financement

Ensuite, pour comprendre comment vit un dossier de financement, il faut se familiariser avec l’organisation des engagements dans une banque aui varie selon le type de banques, mutualistes (régionales) ou nationales.

Dans les banques mutualistes (BPCE, Crédit Agricole par exemple), la prise de décision est centralisée. Le chargé d’affaires et son directeur ont une délégation de crédit. La demande de prêt est ensuite étudiée par les engagements et le comité (d’engagement ou de crédit). Cette gestion centralisée permet d’avoir une réponse plus rapide, et les délégations sont un peu plus élevées du fait d’une culture du risque historiquement plus grande et d’une meilleure connaissance du terrain.

Dans les banques nationales (comme la BNP ou la Société Générale), la prise décision est plus décentralisée et le système de délégation, plus complexe : il y a le chargé d’affaires, son directeur, puis un directeur de secteur, un directeur de région, puis de grande région... Et dans cette chaîne de décisions, il faut aussi compter le contrôleur des risques. Le dossier de financement peut même remonter au siège si les montants engagés sont très importants.

Vers quel type de banque mieux vaut-il se tourner ?

Vers les deux. Car si une banque mutualiste a une meilleure connaissance du marché, de la région, et sera donc généralement plus agile pour vous renseigner, une banque nationale dispose d’une force de frappe plus étendue et d’un catalogue produits plus développé, ce qui se traduit par plus d’outils pour les affaires de tous les jours (si vous êtes dans le négoce, par exemple, et que vous avez besoin de vous couvrir sur certaines matières premières ou sur le taux de change).

Les éléments clé étudiés

L’importance du projet de financement est souvent sous-estimée par les dirigeants ou les directions financières. C’est pourtant un point majeur dans la compréhension d’un dossier par les engagements.

Qu’est-ce qu’une banque regarde dans un projet de financement ?

Ce que la banque veut déterminer, c’est d’abord la cohérence du projet. Qu’est-ce que vous, chef d’entreprise, vous recherchez dans ce projet de financement ? Est-ce que vous voulez créer de la valeur? Le projet va-t-il permettre des gains de productivité ?

La deuxième chose qu’une banque regarde, c’est la finalité du projet. On distingue ainsi trois types d’investissements qui vont permettre de déterminer les effets sur votre entreprise :

  • L’investissement de renouvellement (changer son matériel informatique, par exemple) ;
  • L’investissement d’économie (bascule d’une flotte de véhicules essence à l’électrique) ;
  • L’investissement de développement, qui implique plus de risques (changement de canal de vente, mise en place d’un site marchand, lancement de nouveaux produits, lancement à l’international, rapprochement industriel, croissance externe...).

Au regard du contexte actuel, vaut-il mieux éviter de présenter des projets de diversification ?

Se diversifier est important, l’entreprise doit trouver des relais de croissance. Ce qu’il faut éviter, ce sont les projets exotiques ou de retournement. La banque va s’intéresser à votre capacité de rebond, à votre résilience. Elle va regarder votre bilan d’avant la crise et va pouvoir déterminer si votre activité va reprendre son cours « normal » après la crise, qui reste conjoncturelle. Préférez donc les projets en ligne avec votre business model et les projets d’ajustement liés aux impacts du Covid (comme la transformation digitale).

Les conseils pour construire votre dossier

Si votre banquier trouve votre dossier de financement pertinent, c’est lui qui va le défendre en interne. C’est pourquoi il faut lui donner un maximum d’informations.

Sur le fond

Une présentation détaillée du projet, de la stratégie, des équipes et de leurs rôles est obligatoire, surtout en ce moment. Ne soyez pas avare en explications : mieux votre banquier comprend le projet, mieux il le défendra. Et ce, même si cela vous prend plus de temps en amont avec votre chargé d’affaires : voyez-le comme un investissement (c’en est un).

Sur la forme

Il faut mettre en avant son bilan, et pas uniquement pousser des pièces jointes ; il faut donner du contexte au moment de l’entretien, expliquer et détailler les éléments à son banquier. Préparez des documents complémentaires comme une situation intermédiaire, une attestation de chiffre d’affaires entre deux périodes d’exercices ou une balance client.

Enfin, il faut soigner la forme et envoyer les documents d’un coup. Pour être sûr d’avoir un dossier complet, validez en amont avec votre chargé d’affaires les éléments dont il a besoin. Soyez vigilant et réactif.

L’analyse financière : les cotations

Les cotations Banque de France

Toutes les banques ont pris l’habitude de jeter un œil à la cotation Banque de France de leurs clients. Toute entreprise faisant plus de 750 000€ de chiffre d’affaires se voit attribuer une cotation par la Banque de France qui sera révisée chaque année. Cette cotation fournit aux établissements de crédit une information sur la qualité des engagements qu’ils s’apprêtent à décider ou qu’ils ont déjà pris.

On va distinguer :

  • La cote d’activité qui représente le niveau d’activité de l’entreprise, c’est-à-dire son CA. Les entreprises sont classées de A (CA important) à N (CA négligeable).
  • La cote de crédit qui représente la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements financiers à un horizon de trois ans. Les entreprises sont classées de 3++ (excellente capacité de remboursement) à 9 (entreprise au bord du défaut de paiement).
Les cotations Banque de France
Les cotations Banque de France

Toutes les banques ont accès à cette cotation. Vous pouvez la consulter sur le site i-fiben de la Banque de France (il faut faire une demande d’accès la première fois). Cela donne une bonne idée de sa capacité à emprunter.

Pourquoi s’intéresser aux cotations de la Banque de France

La cotation sert d’abord de référentiel de données commun pour les banques. Elle donne aussi une échelle de santé et permet de rassurer les parties prenantes au moment du comité.

Mais attention : l’analyste ne prend pas sa décision sur la base de cette notation. La qualité et la pertinence du projet priment. Une bonne cotation ne signifie pas accord de crédit.

Les analystes ont une approche subjective d’un dossier, et non pas scientifique. Ils ne sont pas statisticiens. C’est leur expérience qui les pousse à prendre une décision.

Un cru 2020 moins bien coté que les crus précédents

Avec la crise sanitaire, la Banque de France n’a pas rendu ses notes en avril, comme chaque année, mais à l’automne, pour laisser le temps aux entreprises de récupérer et ainsi éviter les dégradations trop sévères. Elle a limité les décotes, mais la tendance n’est pas à leur amélioration.

La Banque de France affirme prendre davantage en compte la capacité de rebond des entreprises. Les comptes 2020 des entreprises vont être marqués par une hausse importante de leur endettement (liée au recours au PGE) sans nécessairement entraîner une trop grande dégradation de leur notation. La Banque de France veille cependant à bien respecter les taux moyens par classe de cotation.

Contactez la Banque de France et demandez un rendez-vous, soit pour vous faire coter pour la première fois, soit pour rencontrer un analyste et lui donner un maximum d’informations ; en plus de l’approche chiffrée, bilancielle, de votre entreprise, vous allez pouvoir apporter du contexte, et c’est ce contexte qui va permettre à l’analyste de revoir sa cotation (souvent à la hausse).

Les autres outils de scoring

En fonction des établissements et du directeur des engagements, les banques se dotent d’outils complémentaires.

Ces outils sont :

  • Les agences de notation (Moodys, Standards and Poors), qui ne sont pas les plus utilisées (plutôt pour les ETI, sur le segment corporate). La décision d’octroyer ou non un crédit n’est pas basée sur ces notes.
  • Ensuite, on retrouve les data analyst (Altares, Scores & Decisions, Experian). Les banques peuvent utiliser ces outils en complément, surtout pour faire du « decisioning » (donner des accords de crédit sur des petits montants). Les entreprises peuvent aussi solliciter ces data analyst afin de mesurer la santé financière de clients ou de leurs fournisseurs. Si vous n’avez pas de DAF, cela peut être très utile.
  • Enfin, la banque va utiliser un modèle interne (réglementaire), la fameuse cotation 22, la notation interne.

La notation va être construite sur les données du bilan, un questionnaire qualitatif et le comportement bancaire : - Il y a d’abord les données de votre bilan, que votre chargé va entrer dans l’outil « notation » et qu’il va coupler avec un questionnaire qualitatif qui permet de pondérer (souvent à la hausse) cette notation. - Le comportement bancaire est focalisé sur les flux de votre entreprise. On va regarder le solde moyen créditeur/débiteur, le nombre de jours de débit dans le mois, le trimestre, l’année, le nombre de fois où vous avez dépassé votre autorisation de découvert…

À partir de ces éléments, on établit une note qui a plusieurs implications. Elle va donner des seuils d’alerte (et peut-être une prise de garantie à préférer). Pour vous aussi, il y a une conséquence directe sur le taux. Le régulateur demande à la banque d’intégrer dans le taux ce qu’on appelle « le coût du risque » : en gros, quelle est ma perte estimée sur cette entreprise, sur ce crédit ? C’est pour cela que, plus l’entreprise est saine, moins le coût du risque sera important, et donc le taux moins élevé (inversement, pour une entreprise en difficulté, le coût sera plus élevé).

Les modèles de scoring des banques vont-ils évoluer avec la crise ?

La crise actuelle ne devrait pas faire évoluer les modèles mêmes du scoring. Nous traversons une crise conjoncturelle, sans bouleversement profond. La crise de 2008, qui était structurelle, avait quant à elle impliqué des resserrements des critères d’octroi. La situation est différente aujourd’hui. En revanche, il y a une certitude : au moment de faire leur bilan, les banques analysent leurs erreurs et réajustent leurs modèles. Même s’il n’y a pas eu d’erreurs dans leurs modèles, certains secteurs d’activité ont été plus touchés que d’autres et il y aura certainement des malus sur ces secteurs-là.

L’analyse financière : les principaux ratios financiers

Le ratio d’autonomie financière

C’est le ratio le plus important. C’est le rapport entre vos fonds propres et le total du bilan. En gros, cela répond à la question suivante : dans mon patrimoine, quelle est la part globale de mes bénéfices antérieurs, du capital que représente ce que j’ai pu gagner au cours de ma vie ? Cela donne un indicateur de richesse, de solidité. Cela ne répond qu’à cela, et non à savoir si l’entreprise est capable de payer un crédit ou d’investir.

Les banques pourraient être plus indulgentes sur ce ratio en 2021. Elles vont davantage regarder la capacité à rebondir et la résilience de l’entreprise. En temps de crise, la banque préférera toujours trouver une solution avec les dirigeants pour étaler voire geler les emprunts plutôt que d’entamer des procédures contentieuses, longues et coûteuses.

Le ratio de partage des risques

Ce ratio concerne le partage des risques entre les actionnaires de votre entreprise et les banques. La banque va déterminer à quel point vous êtes dépendant de votre établissement bancaire pour le recours à l’endettement ; à quel point, aussi, les actionnaires sont impliqués dans l’entreprise. Il s’agit d’évaluer le rapport de force entre les créanciers (la banque) et les actionnaires.

En savoir plus sur les ratios financiers

Le ratio du coût de la dette bancaire

Étudier le coût de la dette d’une entreprise revient à comparer les intérêts qu’elle paye (sur ses crédits et découverts) avec son excédent brut d’exploitation (EBE). En clair : combien vous coûtent vos emprunts à la banque ; combien de jours sont travaillés uniquement pour en payer les intérêts. Il existe un seuil commun à toutes les banques, qui est de 33%. Si vous avez un coût de la dette supérieur par rapport à votre EBE, c’est que l’entreprise traverse une crise. Soit parce que l’endettement est tel qu’il y a énormément d’intérêts, soit parce que la rentabilité de votre business est dégradée. On en a beaucoup parlé cette année, notamment avec le cas des entreprises zombies — entreprises ayant au moins dix ans d’âge et dont le revenu opérationnel (qu’on peut rattacher à l’EBE) est insuffisant pour couvrir leur charge d’intérêts pendant trois années consécutives.

La capacité de remboursement

En fonction des banques, certaines retiennent l’EBE, d’autres l’EBITDA, d’autres enfin la CAF (capacité d’auto-financement). Ce ratio compare les dettes bancaires de votre entreprise avec votre capacité d’auto-financement. La CAF renseigne sur le flux potentiel de trésorerie dont dispose une entreprise. La CAF ou l’EBE, concrètement, cela sert à rembourser vos emprunts si vous en avez, à investir si vous le souhaitez, et à pouvoir distribuer les dividendes aux associés. Ce sont aussi des indicateurs très importants lorsque vous voulez racheter une entreprise, car la banque fait son évaluation en fonction de la rentabilité de l’entreprise et se base soit sur la CAF, soit sur l’EBE.

Les flux de trésorerie

Rappelons que c’est la trésorerie qui paie les emprunts, les salariés et les fournisseurs. On peut regarder tous les ratios bilanciels ou indicateurs d’activité, in fine, le plus important, c’est la trésorerie.

C’est pour cela que la banque va faire des cash flow prévisionnels, essayer de déterminer le cash flow d’exploitation que l’entreprise a pu dégager. L’analyse des flux de trésorerie permet de déterminer la viabilité de votre projet de financement. Les cash flow doivent permettre d’investir (ou pas, en fonction de votre stratégie), de rembourser les emprunts, de distribuer des dividendes, de payer l’État avec l’IS. À la fin, la banque détermine ou non ce qu’on appelle une impasse de trésorerie qui pourrait remettre en cause votre projet de financement.

Quelques conseils pratiques

  • Adoptez une attitude transparente avec la banque : communication indispensable sur les prévisionnels et les difficultés.
  • Renseignez-vous sur la politique d’octroi de vos banques (c’est le moment aussi d’avoir plusieurs banques si vous n’en avez qu’une).
  • Évitez l’auto-censure en matière de crédit : parlez de vos projets à votre banque, il y a souvent des opportunités, même en période de crise.
  • Anticipez vos ratios financiers et anticipez les réponses que vous pourriez apporter aux questions de votre chargé d’affaires.

Ce qui rend crédible un dossier de crédit pour un chargé d’affaires, c’est le niveau de compréhension de son interlocuteur sur l’activité, l’organisation et les projets de l’entreprise. En résumé, apprenez à parler le « Banquier ».

Pour finir, la question que tout le monde se pose : les taux d’intérêts vont-ils s’envoler ?

Il est peu probable que les taux s’envolent car les taux directeurs sont fixés par la BCE. Ce qui pourrait arriver, c’est une rationalisation des crédits : parce que les banques ont des contraintes d’encours, elles ne peuvent pas prêter de façon illimitée. Or elles ont beaucoup prêté en 2020 avec le PGE (130 milliards d’euros). Il est donc probable qu’elles revoient leurs exigences pour limiter la prise de risque et qu’en ce sens :

  • les parcours soient rallongés et les allers-retours plus nombreux (ajustements)
  • les banques soient plus gourmandes en termes de documents (prévisionnels, SIG, balances)
  • et plus gourmandes, aussi, sur les 12-24 mois.

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