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Pourquoi le premier produit que nous avons lancé était une newsletter

Brice Boulesteix

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20 janvier 2023

Tous les vendredis, nous envoyons une newsletter à un peu plus de 5 000 personnes. Cette newsletter parle de banque, de numérique, d’entrepreneuriat, et de ce qui se passe quand on mélange les trois. Comme nous sommes des banquiers dépourvus d’originalité, nous avons appelé notre newsletter : « la newsletter de Memo Bank ».

Alors que la centième édition de notre newsletter hebdomadaire est sur le point de partir, nous souhaitons faire le point sur les enseignements que nous avons tirés de notre newsletter, sur ce que nous utilisons pour la produire, et sur ce qu’elle nous coûte.

Un produit très utile quand on n’a pas encore de produit

Commençons par un rappel chronologique. La newsletter de Memo Bank existait avant même que Memo Bank n’ouvre ses portes. Nous avons envoyé notre première édition le 10 juillet 2020, deux mois avant d’ouvrir nos services au public. Dans un certain sens, notre newsletter a été notre premier « produit », elle a précédé nos « produits bancaires » — à l’exception de notre agrément d’établissement de crédit, qui date de juin 2020.

Pourquoi avons-nous commencé par lancer une newsletter ? Parce que nous avions besoin d’une excuse pour rester présents dans la tête des dirigeantes et des dirigeants à une époque (été 2020) où n’avions aucun service à leur vendre et aucune annonce précise à leur faire. Notre newsletter nous a permis de commencer à mettre du Memo Bank dans la boîte de réception de nos abonnés, alors que Memo Bank n’existait pas encore sur le plan commercial.

Par la suite, quand nous avons commencé à servir nos premiers clients, notre newsletter nous a permis de garder le contact avec les personnes qui nous suivaient de loin, comme ça, sans venir sur notre site tous les quatre matins pour autant. À chaque fois que nous avons enrichi notre offre bancaire, notre newsletter nous a permis de le faire savoir à des entrepreneurs qui auraient mis plusieurs mois avant de s’en rendre compte par leurs propres moyens. Nos chargés d’affaires font aussi ce travail de relance, bien sûr, mais il ne peuvent pas joindre 5 000 personnes d’un coup.

Un produit qui profite au producteur comme au consommateur

Par-delà les arguments marketing, si nous avons lancé une newsletter, c’est aussi parce que nous avions envie de le faire. Et nous avions envie de le faire parce que nos habitudes internes étaient compatibles avec la production d’une newsletter. Par exemple, nous faisions déjà une petite « veille » pour garder un œil sur le monde des PME. Nous échangions déjà des liens sur notre compte Slack. En somme, nous avions déjà un début de « matière » à exploiter.

Hélas, il ne suffit pas de dire « nous avons une newsletter » pour que les lectrices et les lecteurs s’y abonnent en masse. Une newsletter n’est jamais qu’un point de rencontre entre une offre et une demande d’informations. Par chance, nous avions déjà une première liste d’abonnés, qui datait des premiers jours de Margo Bank (l’ancien nom de Memo Bank). Cette liste, assemblée entre fin 2016 et juin 2020, nous a permis de nous lancer en juillet 2020 avec un peu plus de 2 500 abonnés.

La partie « demande » de notre newsletter étant résolue par l’existence de notre liste historique, il ne nous restait plus qu’à traiter la partie « offre ». En clair, nous n’avions plus qu’à trouver des choses à dire. Il nous fallait trouver un format qui soit à la fois intéressant pour notre audience, car personne ne s’abonne pour recevoir de la publicité, et tenable sur le long terme pour nous, car une newsletter implique un effort sur la durée. Afin de nous simplifier la vie, nous avons décidé de produire une newsletter au sens strict du terme, c’est-à-dire une lettre qui relaie… des news, des informations, des chiffres, des articles de presse.

En réglant notre pas sur celui de l’actualité, il nous suffit de déployer nos filets pour pêcher des sujets frais chaque semaine. Nous n’avons rien à inventer. Et pour que le dosage puisse intéresser les chefs d’entreprise, y compris ceux qui n’ont pas de compte Memo Bank, nous avons fait le choix de couvrir des sujets qui ne nous concernent pas directement, en leur apportant un éclairage bancaire. Nous utilisons bien sûr notre newsletter pour relayer nos publications les plus récentes, mais nos propres liens n’occupent jamais le devant de la scène. Si nous avons aujourd’hui plus d’abonnés que de clients, c’est en partie parce que notre newsletter ne s’adresse pas exclusivement à nos clients.

Accessoirement, notre newsletter nous permet aussi de fixer par écrit tout ce que nous apprenons à mesure que nous construisons notre banque. C’est notre aide-mémoire, une sorte de wiki que nous complétons semaine après semaine. Le fait de rendre nos écrits publics nous force à respecter une discipline qui serait sans doute plus difficile à tenir sans cet engagement, ce qui consolide notre démarche.

Envoyer des e-mails ? En France ? En 2023 ?

Vous avez peut-être entendu dire que l’e-mail était mort. Disons-le de suite : les rumeurs qui annoncent la mort de l’e-mail nous semblent exagérées. L’avantage que nous tirons à travailler dans un secteur qui prend encore le fax très au sérieux, c’est que nous ne prenons pas l’e-mail de haut — nous parlons ici de « l’e-mail » en tant que canal de communication, comme on dirait « la radio » ou « le livre ».

Oui, l’e-mail était là avant le World Wide Web (1993). Non, les newsletters ne datent pas d’hier. Et non, l’idée de diffuser des textes auprès d’abonnés n’est pas très originale. De 1900 à 1914, Charles Péguy a par exemple dirigé les Cahiers de la Quinzaine, une revue bimensuelle que recevaient environ 1 400 abonnés — et dont est tiré le texte L’Argent, que nous avons déjà cité dans notre newsletter. Bref, l’e-mail a des kilomètres au compteur, c’est indéniable, mais cela signifie aussi qu’il a des utilisateurs au compteur.

Dans la mesure où notre newsletter s’adresse à des entrepreneurs souvent très occupés, nous devons tenter de les joindre là où ils sont le plus susceptibles d’être joignables, à savoir : dans leur boîte de réception. Les chefs d’entreprise qui nous lisent manquent de temps pour s’intéresser aux querelles qui agitent Twitter. Ils ne sont pas tous sur Instagram non plus. La plupart sont présents sur LinkedIn, mais pas tous, et pas au quotidien. Le seul point de contact à peu près commun à tous les entrepreneurs, c’est l’e-mail. Dans le monde, 4 milliards de personnes ont une adresse e-mail. À lui seul, Gmail compte 1,5 milliard d’utilisateurs. L’e-mail est partout.

Autre avantage : l’e-mail conserve un aspect matériel, tangible, dont ne peuvent se prévaloir les articles de blog, qui n’existent que sur le web, et qui ne sont accessibles qu’au prix d’un effort de connexion à tel ou tel site. À rebours des articles publiés sur le web, les e-mails arrivent dans votre boîte de réception, au cœur de votre système, et ils s’adressent à vous en particulier. Vous recevez votre propre copie d’une publication et vous pouvez la garder à vie si ça vous chante. L’e-mail est ce qu’il y a de plus personnel et de plus physique dans un monde numérique par ailleurs anonyme et dématérialisé.

Quelques chiffres

Venons-en aux chiffres. D’où partions-nous ? Où en sommes-nous ? Réponse en quelques graphiques.

Évolution du nombre d’abonnés

Notre liste historique comptait 2 500 personnes. Aujourd’hui, nous avons la chance de compter un peu plus de 5 000 lecteurs. Sur nos 2 500 lecteurs « historiques », plus de 60 % sont encore abonnés à ce jour. Les autres ont laissé la place à de nouveaux lecteurs, venus spécifiquement pour notre newsletter, et qui ont représenté pour nous un gain net de 3 400 abonnés environ.

ce graphique démontre la solidité de notre socle de lecteur de la newsletter, qui reste quasiment le même pour chacune d'entre elles

Contrairement aux réseaux sociaux, où il suffit parfois d’être mis en avant par une personne très suivie pour gagner beaucoup d’abonnés d’un coup, la croissance d’une newsletter est relativement linéaire. Tout ne se fait que petit à petit. Produire une newsletter est un sport d’endurance. Paradoxalement, c’est la télévision (et Twitter) qui contribuent sans doute le plus à la croissance de notre liste d’abonnés. Quand BFM Business a cité notre newsletter à l’antenne, nous avons par exemple enregistré un pic d’abonnements dans la foulée. Si vous voulez nous aider, vous pouvez donc faire suivre l’une de nos éditions à Oprah Winfrey ou Michel Drucker (merci pour votre soutien).

Taux d’ouverture et taux de clic

Au tout début, un abonné sur deux ouvrait notre newsletter. Notre taux d’ouverture se situe actuellement aux alentours de 35 %. Notre taux de clic a lui aussi baissé pour se stabiliser à 8 %.

taux d'ouverture et taux de clic, ainsi que leurs évolutions respectives, chez Memo Bank

Cette baisse tendancielle du taux d’ouverture et du taux de clic s’explique en partie par deux choses :

  1. Le fait que nous ne désabonnons pas de force les lecteurs qui semblent peu assidus — nous utilisons le verbe sembler ici car certaines applications permettent de lire un e-mail sans que l’expéditeur de l’e-mail en question n’en soit averti. Pour éviter d’exclure les lecteurs qui utilisent ces applications, nous ne purgeons pas les adresses e-mail en apparence « inactives », celles qui font baisser notre taux d’ouverture. Il est aussi possible que certains lecteurs ne soient plus intéressés par ce que nous racontons, tout simplement.
  2. L’introduction de la protection de la confidentialité du courrier par Apple, en septembre 2021, fait que nous ne pouvons plus savoir si nos abonnés ouvrent nos e-mails quand ils les consultent depuis l’application Mail sur iOS ou macOS. Là encore, en tant que banque qui encourage ses salariés à utiliser macOS, nous ne voyons pas forcément ce mouvement d’un mauvais œil, même s’il a sans doute eu une influence négative sur nos chiffres.

La viabilité commerciale de Memo Bank ne se jouant pas au niveau de notre newsletter, nous n’avons jamais vraiment cherché à optimiser notre taux d’ouverture ou notre taux de clic. Est-ce que notre newsletter nous rapporte des clients ? Quel est son ROI (return on investment) ? Nous ne le savons pas et ne cherchons pas à le savoir. Certains de nos abonnés sont devenus des clients plusieurs mois après avoir commencé à nous lire, nous en sommes contents, mais que pouvons-nous en déduire ? Au total, compte tenu des enseignements que nous tirons de notre newsletter, nous continuerions sans doute à la produire même si nos parents étaient nos seuls lecteurs.

Services d’e-mails utilisés par nos abonnés

Sur Twitter, LinkedIn, Instagram, ou Facebook, les volumes de publication sont tels que les développeurs n’ont souvent pas d’autre choix que d’introduire un filtrage algorithmique des messages. De votre côté, vous ne voyez donc qu’une petite partie des messages publiés par les comptes que vous suivez. Avec les e-mails, pas de filtrage. L’e-mail crée une connexion directe entre l’expéditeur et le destinataire — sans intermédiaire. Vraiment sans intermédiaire ? À bien y regarder, la prépondérance de Gmail confère à Google un rôle de « faiseur de rois » dans le monde des newsletters.

Image de l'article

La domination de Gmail nous contraint par exemple à limiter le poids (en kilobytes) de nos e-mails, car Gmail est susceptible de couper les e-mails trop « lourds ». C’est en partie la raison pour laquelle notre newsletter ne contient que du texte, sans images ni gifs animés.

Nos outils

Voici les outils que nous utilisons :

  • E-mail. — Pour fabriquer notre newsletter et pour l’envoyer quand elle est prête, nous utilisons HubSpot, une plateforme marketing tout-en-un qui nous permet aussi de gérer notre liste d’abonnés.
  • Éditeur de texte. — Pour rédiger nos textes, nous utilisons un mélange d’iA Writer et de Google Docs, deux éditeurs de texte très courants. Google Docs nous permet de faire relire nos textes par nos chers collègues sans devoir passer par la case e-mail — un plus par rapport à Word.
  • Veille. — Pour gagner du temps lors de notre veille hebdomadaire, nous utilisons Reeder, un lecteur de flux RSS grâce auquel nous pouvons récupérer et consulter les nouvelles publications de toutes les sources que nous suivons. La newsletter de Memo Bank n’existerait sans doute pas sans les flux RSS — elle a d’ailleurs son propre flux.
  • Distribution. — Pour faire connaître notre newsletter, nous utilisons notre site marketing (memo.bank) ainsi que Twitter et LinkedIn — et BFM Business, quand nous avons de la chance. Une fois par an, nous faisons aussi parvenir un sondage à nos abonnés, sondage pour lequel nous utilisons un Google Form.

Bien qu’importants, les outils qui entrent dans la composition d’une newsletter ne font pas tout. Une newsletter demande à la fois du temps et un certain investissement, deux choses qu’aucun outil ne peut fournir sur commande. En ce sens, une newsletter a un coût.

Ce que notre newsletter nous coûte

Deux rédacteurs travaillent à tour de rôle sur la newsletter de Memo Bank. L’élaboration d’une nouvelle édition demande environ 8 heures de travail à une personne — entre la veille, la rédaction, les relectures, l’intégration dans HubSpot et l’envoi. Par chance, notre fonctionnement interne fait que tous les employés de Memo Bank contribuent à notre veille, en relayant sur notre compte Slack les liens intéressants qu’ils voient passer sur le web ou dans les newsletters qu’ils reçoivent.

Si le fait d’investir 8 heures par semaine dans une newsletter peut laisser perplexe, notre expérience nous porte à croire que l’investissement est partiellement remboursé en surcroît de connaissances diffusées au sein de l’organisation. Par exemple, la récente édition que nous avons consacrée au fonctionnement des virements SEPA fait désormais partie des lectures que nous conseillons à nos nouvelles recrues.

Les recherches que nous faisons dans le cadre de notre newsletter nous aident aussi dans la préparation de nos articles de blog ou lors de discussions internes. L’article que nous avons consacré aux nouvelles cotations de la Banque de France a par exemple profité de notre veille sur le sujet. Dernier exemple en date : le fait que nous ayons étudié la fraude liée à Apple Pay dans le cadre d’une édition passée de notre newsletter pourrait renseigner notre équipe technique si nous devions un jour travailler sur ce sujet…

Bonus : notre brief de départ est maintenant public

Avant de lancer notre newsletter, nous avons fait ce que nous faisons souvent au début d’un projet : nous avons écrit une note présentant ce que nous avions en tête, une sorte d’ébauche qui résumait nos intentions et ouvrait une discussion. Grâce à ce document, le deuxième rédacteur qui s’est mis à travailler sur la newsletter en cours de route savait où nous voulions aller avec notre publication, ce qui lui a permis de se mettre en selle plus rapidement. Pour voir à quoi ressemblait notre note de départ (en anglais), rendez-vous sur GitHub.

Si vous nous lisez déjà tous les vendredis, merci pour votre fidélité. Si vous ne recevez pas encore notre newsletter, vous pouvez vous y abonner (gratuitement) sur notre site — ou faire suivre le lien à votre CFO. Et si vous souhaitez travailler dans une entreprise où chaque personne peut proposer des idées à l’écrit, avant de pourquoi pas leur donner forme, alors écrivez-nous. Nous avons des postes à pourvoir. Points bonus pour les candidates ou les candidats qui connaîtraient personnellement Michel Drucker.

Portrait de Brice Boulesteix

Brice Boulesteix

Rédacteur

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