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Écrit par Brice Boulesteix
Publié le
200 milliards d’aides aux entreprises plus tard
La newsletter Memo Bank du 30 juillet 2021.
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À lire
Les aides versées aux entreprises ont aidé les entreprises
John Wanamaker était un homme d’affaires américain du XIXe siècle, un marchand qui a fait fortune dans les grands magasins de Philadelphie, et un esprit fin à qui on attribue souvent le bon mot suivant : « La moitié de mes dépenses publicitaires ne servent à rien ; l’ennui, c’est que je ne sais pas de quelle moitié il s’agit. » Entendez par là : les dépenses publicitaires utiles sont difficiles à distinguer des dépenses publicitaires inutiles. Si la citation attribuée à Wanamaker est passée à la postérité, c’est sans doute parce qu’elle souligne le caractère ambivalent des dépenses immatérielles, intangibles, celles dont les effets ne sont pas toujours faciles à mesurer avec précision.
Plus proche de nous, et plus d’un siècle après le trait d’esprit de Wanamaker, le gouvernement français se demande si les aides accordées aux entreprises depuis le début de la crise sanitaire ont été complètement utiles, à moitié utiles, ou pas du tout utiles. Pour le savoir, le gouvernement a mandaté un comité spécial, le « comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19 ». Ce comité a été chargé par le gouvernement de mesurer l’efficacité des aides financières accordées aux entreprises depuis mars 2020. Le comité en question, placé sous l’égide de France Stratégie, a publié un premier rapport d’étape en avril dernier, premier rapport que nous avions commenté dans cette newsletter.
Pour compléter leur premier rapport, les membres du comité viennent de publier un nouveau rapport, qui fait figure d’évaluation finale. Ce nouveau rapport dresse le bilan des quatre principales mesures de soutien accordées aux entreprises, à savoir : le prêt garanti par l’État (PGE), le fonds de solidarité, l’activité partielle (chômage), et les reports de charges. Dans leur dernier rapport, les membres du comité d’évaluation rappellent qu’entre mars 2020 et mars 2021, 3,5 millions d’entreprises ont bénéficié d’au moins une des quatre mesures de soutien mises en place par le gouvernement — soit un peu moins de 90 % des entreprises françaises. Au total, ce sont plus de 200 milliards d’euros qui ont été accordés aux entreprises — 53 milliards sous la forme de subventions et 147 milliards sous la forme de crédits bancaires (PGE).
Est-ce que les réserves exprimées par John Wanamaker à l’encontre des dépenses publicitaires valent aussi pour les aides de l’État ? Est-ce que la moitié de ces 200 milliards ont été dépensés en vain ? Pour le comité d’évaluation, qui s’appuie sur une récente étude de l’INSEE, la réponse à ces questions est négative. En comparant la situation des entreprises au terme de l’année 2018 (année sans crise et sans aides) avec la situation des mêmes entreprises au terme de l’année 2020 (année de la mise en place des aides), l’INSEE a montré que les aides avaient permis d’atténuer les effets de la crise sur la trésorerie des entreprises, en leur apportant de la trésorerie quand elles en avaient le plus besoin.
Dans le détail, si 50 % des entreprises ont vu leur trésorerie augmenter en 2018 (sans recourir à des crédits bancaires), les 50 % restants ont vu leur trésorerie baisser dans le même temps. Au cours d’une année normale, la moitié des entreprises progresse pendant que l’autre moitié régresse. Ainsi va la vie. Hélas, la crise de 2020 a pulvérisé la répartition équilibrée entre les gagnants et les perdants. En 2020, la part des entreprises dont la trésorerie a reculé a ainsi augmenté pour atteindre 60 %, pendant que la part des entreprises dont la trésorerie a progressé est tombée à 40 %. Dans ce contexte difficile, et toujours d’après l’INSEE, les aides gouvernementales auraient permis de compenser le déséquilibre induit par la crise, en fournissant de l’argent frais aux entreprises dont la trésorerie piquait du nez. Une fois les aides financières prises en compte, l’INSEE estime que 53 % des entreprises ont en fait vu leur trésorerie augmenter en 2020, et ce en dépit de la crise. Dit autrement, les aides ont permis de transformer l’année 2020, année de crise, en une année « presque » normale du point de vue de la trésorerie des entreprises — mais au prix d’une hausse de l’endettement brut, certes.
Si les 200 milliards versés aux entreprises sous diverses formes n’ont pas été versés en vain, ont-ils pour autant profité aux entreprises qui en avaient le plus besoin ? Dans l’ensemble, oui. Pour les membres du comité d’évaluation, il n’y a pas eu d’effet d’aubaine, dans la mesure où la part des entreprises qui ont eu recours aux quatre dispositifs de soutien est restée largement inférieure à 10 %. Il n’y a pas eu de ruée vers les aides. De plus, les aides ont davantage profité aux entreprises appartenant à des secteurs particulièrement sinistrés comme l’hôtellerie ou la restauration. Et à l’intérieur d’un même secteur, les aides ont surtout profité aux entreprises qui étaient déjà affaiblies avant le début de la crise. Quant aux entreprises qui étaient déjà défaillantes avant la crise, déjà très mal en point, ces dernières n’ont pas pu bénéficier du PGE, faute d’être jugées suffisamment solvables par les banques — ce qui fait dire aux rapporteurs que les aides n’ont pas servi à maintenir en vie des entreprises « zombies ».
Le secteur d’activité n’explique pas tout dans une crise
Si vous allez voir votre banquier pour lui demander un prêt, et si ce dernier vous l’accorde et le décaisse sur votre compte, alors l’endettement brut de votre entreprise va augmenter, au même titre que votre trésorerie. Si vous obtenez un crédit de 100 000 €, vous augmentez votre endettement brut et votre trésorerie de 100 000 €. C’est mécanique. Maintenant, si vous ne faites rien des 100 000 € que vous venez d’emprunter, si vous les laissez dormir sur votre compte, tranquillement, sans y toucher, alors votre endettement net ne va pas augmenter, lui — contrairement à votre endettement brut. Votre dette nette n’augmente que quand votre trésorerie baisse, c’est-à-dire quand vous « piochez » dans votre trésorerie. Par exemple, si vous sortez 30 000 € de votre trésorerie pour payer vos salaires, alors votre trésorerie va baisser de 30 000 € et votre endettement net va augmenter de 30 000 € dans le même temps — car vous devrez alors vraiment 30 000 € à votre banque, puisqu’il ne vous restera plus que 70 000 € sur les 100 000 € qui vous ont été prêtés.
Comme nous avons déjà eu l’occasion d’en parler en juin dernier, si l’endettement brut des PME a beaucoup augmenté en 2020, leur endettement net a assez peu augmenté, lui, signe que les PME ont gardé sous le coude une partie de ce qu’elles ont emprunté. Beaucoup de PME ont eu recours au prêt garanti par l’État, mais peu l’ont consommé en entier. Hélas, cette généralisation masque le fait que l’endettement des entreprises n’a pas évolué de la même manière d’un secteur d’activité à un autre. Les entreprises de l’hébergement et de la restauration ont par exemple vu leur endettement net augmenter de façon bien plus conséquente que les sociétés de services informatiques, car les premières ont bien plus souffert de la crise que les secondes, ce qui les a conduit à piocher davantage dans leur trésorerie. Cela dit, cette généralisation masque elle aussi le fait que l’endettement des entreprises n’a pas évolué de la même manière d’une entreprise à une autre, y compris au sein d’un même secteur d’activité. Dans la même branche, certaines entreprises ont tenu bon, pendant que d’autres ont bu la tasse.
Deux nouvelles études, publiées par l’INSEE et par la Banque de France, montrent que l’endettement des entreprises a fortement varié à l’intérieur même de certains secteurs d’activité. Dans la restauration, d’après les calculs de l’INSEE, 20 % des entreprises auraient ainsi augmenté leur trésorerie en 2020, et ce, sans recourir à de la dette, sans PGE, sans rien d’autre que de nouveaux flux de trésorerie engendrés par la croissance de leur activité. En d’autres termes, 20 % des restaurants ont « mieux tourné » en 2020 qu’en 2019. Autre manière d’interpréter ce chiffre : en 2020, 20 % des restaurateurs ont réduit leur endettement net. Comment ? En augmentant leur trésorerie, sans augmenter leur endettement brut. Si 20 % des restaurants ont fait plus que tenir bon pendant la crise, c’est parce que certains restaurateurs ont su s’adapter, par exemple en se mettant à la vente à emporter. Voilà qui vient tordre le cou à une lecture déterministe de la crise, qui voudrait que les entreprises soient condamnées (ou sauvées) par avance, selon le secteur d’activité dans lequel elles évoluent.
Moins réjouissante, l’étude de la Banque de France montre quant à elle que les entreprises dont l’endettement net a le plus augmenté en 2020, sont celles dont la cotation Banque de France était relativement faible avant la crise. D’après la Banque de France, la crise a joué le rôle d’amplificateur, en fragilisant un peu plus les entreprises qui étaient déjà vulnérables avant la crise, y compris dans des secteurs d’activité qui ont par ailleurs bien résisté l’année dernière. Que conclure des études de l’INSEE et de la Banque de France ? Deux choses. Premièrement, puisque des disparités existent au sein d’un même secteur d’activité, les entrepreneurs peuvent se réjouir, car ce sont avant tout leurs actions et leurs décisions qui déterminent leur destin, bien plus que la taille de leur entreprise ou leur appartenance à telle ou telle branche. Deuxièmement, le secteur d’activité ne devrait pas être le seul et unique critère utilisé pour définir des politiques de soutien aux entreprises, car au sein d’un même secteur, des entreprises surnagent pendant que d’autres plongent.
À parcourir
Certains manageurs s’expriment dans une langue de goudron, un dialecte impénétrable fait de jargon, de tournures vides, et de mots-valises à la mode. The Economist se demande pourquoi le charabia règne. economist.com (article en anglais et payant)
Chez Memo Bank, nous employons des banquiers. Pas pour faire désuet, mais parce que nous pensons que les PME ont besoin de plus que d’un joli site internet. Découvrez Arthur Bourdillon, qui travaille dans notre bureau de Lyon, et admirez cette vue aérienne de Fourvière. youtube.com
Dans la rubrique « les PME ne se font pas pirater par des escadrons de Bruce Willis formés au combat rapproché », le FBI montre que les failles informatiques les plus couramment exploitées par les pirates sont souvent vieilles, datées. arstechnica.com (article en anglais)
Les systèmes informatiques de la plupart des banques traditionnelles tournent sur des machines IBM qui remontent aux années 1980 (les mainframe computers). Le Crédit Agricole souhaite passer à autre chose. lesechos.fr (article payant)
L’hebdomadaire Marianne consacre une série d’été aux PME françaises. Le premier article de cette série dresse le portrait de dirigeants qui ont su résister à la crise dans le Nord de la France. marianne.net (article payant)
Des chiffres
Le dernier baromètre de Bpifrance sur la santé des PME vient de paraître et il contient des chiffres très rassurants. Par exemple, 37 % des 6 104 chefs d’entreprise interrogés par Bpifrance déclarent avoir retrouvé voire dépassé leur niveau d’activité d’avant crise. Autre exemple, près de deux dirigeants sur trois estiment avoir les reins suffisamment solides (en matière de trésorerie) pour surmonter la crise.
Des lettres
« Il n’y a pas de sentiment dans le commerce, il n’y a que des chiffres. »
— Émile Zola (1883). Au Bonheur des Dames.
À pourvoir
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