Qui aura droit aux prêts participatifs ?
Les prêts participatifs devraient être proposés aux entreprises dès le début du mois de mai. Nous avons déjà présenté la mécanique des prêts participatifs dans cette newsletter, mais nous attendions des précisions sur les conditions d’octroi de ces prêts censés aider les entreprises à se relancer. Les précisions que nous attendions viennent de tomber. Dans un récent communiqué, la Fédération bancaire française indique que les prêts participatifs ne seront pas proposés à toutes les entreprises. Contrairement aux prêts garantis par l’État (PGE), qui étaient et sont toujours largement accessibles, les prêts participatifs seront exclusifs, ils ne seront proposés qu’aux petites et moyennes entreprises (PME de 10 à 249 salariés) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI de 250 à 4 999 salariés) capables de se relancer dès cet été.
Concrètement, les PME françaises qui souhaitent obtenir un prêt participatif auprès de leur banque devront cocher les trois cases suivantes : avoir réalisé au moins deux millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 (1), présenter un plan d’investissement crédible (2), et avoir une cotation (au sens de celle attribuée par les agences de notation) supérieure ou égale à BB- au moment de l’octroi du prêt participatif (3). Pourquoi présenter un plan d’investissement à la banque ? Sans doute pour éviter que les prêts participatifs ne se transforment en PGE « déguisés », c’est-à-dire en crédits de trésorerie servant à payer des factures courantes. Le gouvernement a été très clair sur le sujet : les prêts participatifs sont des crédits d’investissement, ils doivent servir à financer la relance des entreprises, pas leurs dépenses courantes. Et pourquoi exiger une note supérieure ou égale à BB- (note assez moyenne) ? Probablement pour limiter le risque de non-remboursement.
Les PME éligibles aux prêts participatifs pourront emprunter par ce biais l’équivalent de 12,5 % de leur chiffre d’affaires 2019 — année que beaucoup considèrent encore comme « l’année dernière », ou du moins comme leur dernière année d’activité « normale ». Sous certaines conditions, les prêts participatifs seront même cumulables avec les PGE. Quelles sont ces conditions ? Les PME qui ont déjà eu recours au PGE et qui souhaiteraient obtenir un prêt participatif devront prouver que leur chiffre d’affaires (ou leur masse salariale) a baissé de plus de 5 % en 2020. Mais ce n’est pas tout (accrochez-vous). Si une PME a déjà emprunté l’équivalent de 25 % de son chiffre d’affaires 2019 par le biais d’un PGE, le montant du prêt participatif auquel cette PME pourra prétendre ne devra pas excéder l’équivalent de 10 % de son chiffre d’affaires 2019 (contre 12,5 % dans le cas général).
Derniers détails : les prêts participatifs seront commercialisés jusqu’au 30 juin 2022. Ils seront accordés pour une durée de huit ans et les entreprises qui en bénéficieront ne commenceront à les rembourser qu’au bout de 4 ans — seuls les intérêts (compris entre 4 et 5,5 %) seront dus dès la première année. Le gouvernement espère que les banques accorderont 10 000 prêts participatifs aux PME et aux ETI qui souhaitent réinvestir rapidement. Par la suite, si la qualité de « quasi fonds propres » des prêts participatifs est bien reconnue par les banques, les prêts participatifs devraient permettre aux entreprises qui en auront bénéficié d’obtenir plus facilement des prêts bancaires ordinaires.
Une troisième voie pour contourner le mur de la dette
Si vous dirigez une PME et que vous avez des problèmes de trésorerie, vous avez jusqu’à la fin de l’année (2021) pour demander un prêt garanti par l’État, c’est-à-dire un crédit de trésorerie censé vous aider à payer vos factures. Si vous n’avez pas de problèmes de trésorerie et que vous souhaitez relancer vos investissements dès cet été, vous pourrez bientôt demander un prêt participatif, c’est-à-dire un crédit d’investissement censé vous aider à financer votre développement et vos recrutements.
Mais que se passe-t-il si vous vous situez entre ces deux cas de figure, au milieu, entre ces deux extrêmes ? Que se passe-t-il si votre entreprise est relativement saine, mais déjà trop endettée pour s’endetter davantage, et encore trop à la peine pour commencer à réinvestir dès cet été ? Que faites-vous si vous avez déjà eu recours à un PGE et que vous ne pouvez pas bénéficier d’un prêt participatif ? Pour relancer sereinement votre activité, vous devez commencer à vous désendetter. Mais pour commencer à rembourser vos dettes, vous devez d’abord relancer votre activité. Le coup de l’œuf et la poule. À devoir choisir entre reprise et désendettement, certaines entreprises pourraient rater les deux et sombrer au pire moment.
Pour éviter que des PME saines ne plient sous le poids de leurs dettes, le gouvernement planche sur un nouveau dispositif de soutien financier, une sorte de troisième voie entre le crédit de trésorerie (façon PGE) et le crédit d’investissement (façon prêts participatifs). D’après les informations dont dispose l’hebdomadaire Challenges, les services de Bercy souhaitent éviter que des PME par ailleurs saines en soient réduites à mettre la clé sous la porte faute de pouvoir rembourser toutes leurs dettes tout de suite.
Quelle forme prendra ce nouveau dispositif ? Difficile à dire à ce stade. Une chose est sûre : identifier les PME fortement endettées mais néanmoins saines ne sera pas une tâche aisée. Pour y parvenir, le ministère de l’Économie prévoit de s’appuyer sur les départements, c’est-à-dire les acteurs de terrain qui connaissent bien les PME du coin. Une fois identifiées, les PME solides mais acculées par les dettes seront redirigées vers une sorte de médiateur de crédit, un interlocuteur unique chargé de les écouter et de leur proposer des solutions adaptées à leurs problèmes financiers.
Est-ce que l’annulation partielle des dettes de certaines PME fait partie des solutions envisagées par le gouvernement ? Là encore, difficile à dire. Si le ministère de l’Économie, fidèle au « quoi qu’il en coûte », ne semble pas exclure cette piste, la CPME a déjà fait savoir de son côté qu’elle n’y était pas favorable, pour des raisons que nous avons évoquées la semaine dernière dans cette newsletter. Quelle que soit la solution retenue, les PME qui espèrent bénéficier de cette troisième voie devront encore tenir le coup pendant quelques semaines, le temps que le gouvernement précise son dispositif.