Suite de la fin de la baisse des défaillances qui remontent
Si le prix d’un kilo de pommes augmente de deux euros après avoir baissé de cinq euros, peut-on parler de hausse du prix ? Ou vaut-il mieux parler de fin de la baisse ? Et si le nombre de défaillances d’entreprises repart à la hausse après deux années de baisse, peut-on parler d’une vague de faillites ? Ou vaut-il mieux parler d’un retour à la normale après un calme anormal ? Ces questions d’interprétation se posent, car la dernière étude du cabinet Altares, un cabinet spécialisé dans la collecte de données sur la santé des entreprises, montre que les défaillances ont augmenté de 35 % en un an, passant de 7 406 au premier trimestre 2021 à 9 972 au premier trimestre 2022.
Rappelons qu’une entreprise est considérée comme « défaillante » quand elle ne peut plus payer ses dettes et qu’elle se retrouve engagée dans une procédure collective, généralement menée par un tribunal de commerce. Ajoutons qu’une entreprise défaillante peut se relever et repartir. Ici, « hausse des défaillances » ne signifie donc pas « hausse des faillites ». La défaillance ne débouche pas nécessairement sur une liquidation pure et simple de l’entreprise concernée. Il existe aussi une procédure collective dite de sauvegarde, qui permet à une société en difficulté de renégocier sa dette avec ses créanciers, avant de se relancer.
Revenons à Altares. Après avoir beaucoup baissé en 2020 et 2021, les défaillances d’entreprises augmentent à nouveau, un peu. Un peu seulement, car entre janvier et mars 2020, c’est-à-dire avant le début du marasme économique causé par l’épidémie de Covid-19, 10 902 entreprises étaient passées par la case procédure collective. Dit autrement, le premier trimestre 2020 avait fait plus de dégâts que le premier trimestre 2022 n’en a fait en matière de défaillances. Au total, la hausse de 35 % du nombre de défaillances constatée par Altares au premier trimestre 2022 nous conduit à un niveau qui reste inférieur de 8,5 % à ce qu’il était au premier trimestre 2020. C’est parce que les défaillances ont été anormalement peu nombreuses entre 2020 et 2022 que les chiffres vers lesquels nous tendons actuellement semblent alarmants.
Pour mettre en perspective les chiffres du premier trimestre 2022, les analystes d’Altares les ont comparés avec les chiffres des années 2010, bien avant la crise sanitaire. Que se passait-il dans le « monde d’avant » ? Premier trimestre 2018 : 14 698 défaillances enregistrées. Remontons encore plus loin. Premier trimestre 2016 : 18 136 défaillances enregistrées, soit à peu près le double de ce que nous constatons actuellement, début 2022. Et de quoi parlait la presse économique, à l’époque, en 2016, pour commenter les chiffres d’Altares ? Elle parlait d’une « amélioration de conjoncture », car les défaillances étaient alors… en baisse. Tout est affaire de perspective, donc.
Est-ce à dire, pour autant, que tout va bien ? Pas vraiment. Le nombre de défaillances est en hausse constante depuis novembre 2021, et la tendance ne semble pas être sur le point de s’inverser. Pire, les défaillances ne concernent plus uniquement les très petites entreprises (TPE), celles qui emploient moins de 10 salariés. Les petites PME (10 à 49 salariés) sont de plus en plus exposées elles aussi, puisque le nombre de défaillances a augmenté de 56 % sur un an dans cette tranche d’entreprises, au point de dépasser le niveau d’avant crise — 645 défaillances au premier trimestre 2022 contre 632 sur la même période en 2020.
Dans ces conditions, le retour de l’inflation n’est pas une bonne nouvelle pour les PME, puisque la hausse du coût des matières premières contraint les dirigeants à rogner sur leurs marges. Est-ce que les clients sont prêts à accepter des hausses de prix pour compenser la baisse des marges des entreprises ? À ce stade, rien n’est moins sûr. D’après Le Monde, qui cite l’entreprise limousine Broussaud, un fabricant de chaussettes haut de gamme, même les clients à la recherche du meilleur pour leurs pieds délicats ne sont pas prêts à payer 15 € pour une paire de chaussettes. Il n’y a pas que les analystes d’Altares qui s’étaient habitués à enregistrer des chiffres relativement bas. Les acheteurs s’étaient eux aussi habitués à vivre et consommer sans inflation.
La Banque de France s’intéresse aux données environnementales
Les banques centrales doivent-elles s’intéresser au changement climatique ? Ou doivent-elles au contraire se concentrer sur la seule maîtrise de l’inflation ? Les réponses à ces questions varient d’une banque centrale à une autre. Aux États-Unis, la Federal Reserve Bank (FED) n’a pas pour mandat de lutter contre le réchauffement climatique. En Europe, la situation est différente. Pour la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, la lutte contre le changement climatique fait partie des « missions critiques » que la BCE doit assurer. Aux yeux de la BCE, comme aux yeux de la Banque de France, le changement climatique fait peser deux risques sur le système financier : un risque de dégâts physiques, qui pourrait se traduire par des pertes pour les banques et les assureurs (1) ; et un risque de transition, qui augmente à mesure que les politiques environnementales détournent les flux financiers des secteurs « polluants » pour les orienter vers des secteurs « propres », ce qui pourrait laisser des industries à quai, sans financements (2).
C’est dans ce contexte, favorable à la prise en compte des enjeux climatiques par les Banques centrales, donc, que la Banque de France a multiplié les appels du pied visant à encourager les entreprises à publier leurs données environnementales. La Banque de France a d’abord mené une vaste simulation pour jauger l’exposition des banques françaises aux aléas climatiques — exposition jugée « modérée ». Puis la Banque de France a mis en ligne un article de blog appelant les entreprises à publier des données environnementales « fiables, comparables, prospectives et granulaires (détaillées) ». Suite à cela, le premier sous-gouverneur de la Banque de France, Denis Beau, a rappelé lors d’un discours à quel point l’évaluation des risques climatiques était compliquée, faute de… données suffisamment prospectives sur le sujet.
Nouvelle étape dans la quête de données environnementales de la Banque de France : cette dernière vient de rejoindre le Climate Disclosure Project (CDP). Le CDP est une organisation britannique qui publie et tient à jour des données permettant de mesurer l’empreinte écologique des grandes entreprises (un peu plus de 10 000 au total). À ce jour, 680 institutions financières s’appuient sur les données du CDP pour orienter leurs investissements vers des secteurs moins polluants. De son côté, la Banque de France s’enorgueillit d’être la première banque centrale à rejoindre le CDP. Elle va se servir des données du CDP pour fixer le cap de ses investissements ESG, c’est-à-dire des investissements qui intègrent des critères environnementaux, sociaux, et de gouvernance.