Le centre de formation pour dirigeants de PME
Écrivant en 1919, au sortir de la Première Guerre mondiale, Paul Valéry remarquait que les civilisations se savaient désormais mortelles, y compris la civilisation européenne. De nos jours, les crises économiques nous rappellent que les entreprises sont elles aussi mortelles, y compris les PME. Il s’ensuit que le but premier d’une entreprise est de survivre. Pour augmenter leurs chances de succès, leurs chances de survie, les start-up se tournent souvent vers des incubateurs, des organismes qui leur apportent des conseils et des financements — en échange d’une part de leur capital. De leur côté, bien qu’elles soient trop grosses pour les incubateurs, les grandes entreprises font régulièrement appel aux cabinets de conseil en stratégie, qui les aident à rester compétitives, c’est-à-dire à survivre — moyennant quelques frais. Situées à mi-chemin entre les start-up et les grandes entreprises, vers qui les PME peuvent-elles se tourner ? Pas assez jeunes pour intégrer un incubateur, pas assez riches pour se payer les conseils d’un cabinet prestigieux, les PME sont trop souvent livrées à elles-mêmes en matière stratégique. Tout repose alors sur les épaules des dirigeants, qui se sentent bien seuls face aux difficultés, comme l’a montré Bpifrance dans une étude sur le sujet. Contrairement aux jeunes entrepreneurs ou aux grands patrons, les dirigeants de PME n’osent pas demander de l’aide à leurs pairs, de peur d’inquiéter leurs collaborateurs. Par pudeur, et alors qu’ils ont le nez dans le guidon, les chefs d’entreprise en viennent parfois à prendre de mauvaises décisions, qui peuvent mettre en péril la survie de leur PME.
C’est pour sortir les dirigeants de PME de leur isolement que Bpifrance a lancé son accélérateur en 2015, un programme de formation d’une durée de deux ans, destiné spécifiquement aux PME. À l’époque, il s’agissait de « sélectionner une équipe de France de PME », selon les mots d’Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif. Le constat de Bpifrance ? Les dirigeants de PME sont englués dans le quotidien, ce qui leur laisse peu de temps pour prendre de la hauteur. Le remède proposé par Bpifrance ? Fournir aux dirigeants de PME ce qui leur fait défaut, à savoir : un réseau, des formations, et des conseils — mais pas de financements. D’où l’idée de créer un programme pour les accompagner, sur le modèle des centres de formation sportifs, Guy Roux en moins. Est-ce que le programme porte ses fruits ? Oui, si l’on en croit une récente étude (en PDF) menée sur 142 PME passées par le programme de Bpifrance et dont Les Échos proposent une synthèse. Pour mesurer l’efficacité du programme, les chercheurs ont comparé les PME passées par le programme avec des PME similaires, mais pas formées par Bpifrance. Au total, les PME sorties de l’accélérateur ont augmenté leur chiffre d’affaires et embauché davantage que les PME du groupe témoin — le tout, encore une fois, sans recevoir le moindre financement direct de la part de Bpifrance. La preuve qu’on peut obtenir des résultats sans signer des chèques à tout va.
Tant va la PME au confinement qu’à la fin elle se casse
Du temps où la mort faisait partie de la vie, les cadrans solaires qu’on trouvait sur les frontons des édifices publics portaient parfois l’inscription suivante, gravée non loin des chiffres romains : vulnerant omnes ultima necat. Ce qui pourrait se traduire en : « Toutes les heures blessent, la dernière tue. » Façon subtile de rappeler aux individus que chaque heure qui jaillit du cadran est comptée. Alors qu’un troisième confinement semble se profiler en France, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) alerte sur les effets dévastateurs qu’une nouvelle fermeture forcée pourrait avoir. D’après la CPME, si les deux premiers confinements ont entamé la trésorerie des PME, ce troisième (et potentiellement dernier) confinement pourrait bien les achever, en dépit des aides dont elles ont pu bénéficier jusque-là. Pour convaincre le gouvernement de ne pas contraindre les PME à fermer une troisième fois, la CPME vient de publier une enquête, certes dépourvue de locutions latines, mais pleine de chiffres sur l’état actuel des PME.
Que dit l’enquête ? Par rapport à la fin de l’année 2019, deux PME sur trois ont vu leur chiffre d’affaires baisser en novembre et décembre 2020. Et pour une PME sur trois, cette baisse du chiffre d’affaires s’est traduite par une baisse des effectifs. En matière de trésorerie, 52 % des dirigeants estiment avoir moins bien fini 2020 qu’ils n’avaient fini 2019, leur trésorerie s’étant dégradée entre-temps, comme évaporée. Côté moral, seuls 23 % des chefs d’entreprise se déclarent optimistes, les autres se disant pessimistes (35 %), voire résignés (42 %). Le chiffre qui tue ? 49 % des 2 400 dirigeants interrogés par la CPME estiment que leur entreprise ne survivrait pas à un troisième confinement. En d’autres termes : une PME sur deux pourrait ne jamais relever le rideau, si elle venait à le baisser sous la contrainte une troisième fois. Il va sans doute falloir attendre encore quelques tours de cadran avant de connaître la décision du gouvernement quant à un troisième confinement, mais l’alerte de la CPME semble d’ores et déjà avoir fait mouche, puisque Le Point, Le Figaro, Les Échos, Ouest France, Sud Ouest et La Voix du Nord l’ont reprise.