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Écrit par Hadrien Léger

Publié le

Les banques centrales et l’(in)action climatique

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À lire

Le schisme entre banques centrales sur le réchauffement climatique

Quel est le rôle d’une banque centrale ? Une banque centrale doit-elle se contenter de développer une politique monétaire, c’est-à-dire de veiller à la stabilité des prix ? Ou bien une banque centrale doit-elle utiliser ses pouvoirs pour faire aussi de la politique économique — favoriser la croissance, doper les exportations, etc. ?

Depuis les années 1980, un consensus régnait en Europe et aux États-Unis. Les banques centrales devaient se concentrer sur la politique monétaire, parce que leur implication dans la politique économique avait des effets inflationnistes délétères. Les banques centrales remplissaient aussi une autre mission, qui s’était renforcée depuis la crise financière de 2008 : assurer la stabilité du système financier, par exemple en évitant que les banques commerciales arrêtent de se prêter de l’argent entre elles en cas de crise, ce qui provoque une paralysie du système financier.

Pour qu’une banque centrale ne soit pas utilisée par le pouvoir politique pour servir des objectifs de politique économique (comme relancer l’économie à l’approche d’une élection), la banque centrale américaine (la Fed), son équivalent anglais (la Bank of England), et leur pendant européen (la BCE), bénéficient toutes d’une certaine indépendance. Ces banques centrales n’obéissent pas aux « ordres » du pouvoir exécutif. La banque centrale chinoise, à l’inverse, dépend du pouvoir politique. Ses missions sont plus larges que la stabilité des prix et la stabilité du système financier.

Le consensus historique entre les banques centrales occidentales a-t-il volé en éclat ? Le thème brûlant du réchauffement climatique semble le remettre en cause. Une divergence d’approche est apparue au grand jour le 10 janvier dernier, à Stockholm. La banque centrale de Suède avait convié les principaux banquiers centraux de la planète à une conférence sur l’indépendance des banques centrales. D’un côté, la Fed a affirmé qu’elle ne s’occupera pas de la lutte contre le réchauffement climatique, qui est une question de politique économique. De l’autre côté, les banques centrales européennes (Bank of England et BCE), ont réitéré que la lutte contre le réchauffement climatique est désormais l’une de leurs missions fondamentales.

Faisons quelques pas en arrière. Depuis quelques années, de multiples voix se font entendre en Occident pour encourager les banques centrales à s’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. Comment les banques centrales peuvent-elles avoir un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Principalement en réorientant leur politique d’achats d’actifs. Au lendemain de la crise financière de 2008, les banques centrales américaine et européennes ont acheté massivement des actifs pour contrecarrer les effets de la crise financière. Elles ont acheté deux types d’actifs : des bons du Trésor et des obligations d’entreprises.

Le débat autour de l’action climatique des banques centrales se concentre sur ce second type d’actifs — les obligations d’entreprises. Les voix qui souhaitent que les banques centrales s’activent, leur demandent de réorienter leurs achats d’obligations vers les entreprises responsables en matière environnementale. On en revient toujours au principe fondamental de la « finance verte », ou « finance durable » : flécher les investissements vers les entreprises vertueuses, afin de favoriser le financement de projets qui ont une influence positive sur le climat, d’assécher le financement vers les entreprises qui ont une influence négative sur le climat, et d’inciter toutes les entreprises à opérer leur transition énergétique.

Problème : dans leur politique d’achat d’actifs, les banques centrales appliquent un principe de « neutralité de marché ». Elles évitent de favoriser un secteur plutôt qu’un autre, une entreprise plutôt qu’une autre, pour ne pas créer de distorsions de marché. Les décisions d’investissement des banques centrales se fondent sur le niveau de risque et sur la maturité des obligations émises par les entreprises. Pour un niveau de risque et une maturité donnés, le portefeuille d’obligations des banques centrales reflète donc le marché des obligations d’entreprises. Conséquence : comme les entreprises qui émettent beaucoup de carbone représentent une large part du marché des obligations d’entreprises, les portefeuilles d’obligations des banques centrales comprennent une forte part d’obligations d’entreprises polluantes. Selon une étude anglaise, en juin 2020, plus de la moitié des obligations d’entreprises détenues par la BCE provenaient d’entreprises dont les activités émettent beaucoup de gaz à effet de serre.

Voilà pourquoi en Europe, des ONG comme Reclaim Finance ou Positive Money ont accusé à plusieurs reprises la BCE de financer les énergies fossiles, et de ne pas utiliser à bon escient ses pouvoirs. Voilà pourquoi aux États-Unis, des ONG et des élus démocrates font pression depuis des mois sur la Fed, pour qu’elle intègre la lutte contre le réchauffement climatique dans ses prérogatives. Les banques centrales européennes et américaines ont réagi différemment à la pression de la société civile et de certains partis politiques — et c’est ce désaccord qui est apparu à Stockholm.

Côté américain, le gouverneur de la Réserve fédérale Jerome Powell a été clair : le rôle de la Fed n’est pas de se substituer à l’action de l’État, et d’agir pour faire progresser telle ou telle cause. La mise en place de politiques de lutte contre le réchauffement climatique doit venir du gouvernement, et refléter la volonté des électeurs. La fonction de la banque centrale américaine est de se conformer à ses attributions, déterminées par le Congrès : développer une politique monétaire dont l’unique objectif est d’assurer la stabilité des prix et de soutenir l’emploi.

Côté européen, Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a pris une position inverse, qui s’inscrit dans la révolution à bas bruit qu’a entamé la BCE le 4 juillet 2022. Dans une lettre, Christine Lagarde déclarait que la BCE intégrerait désormais la question de la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de sa politique monétaire. Principale mesure annoncée : le « verdissement » des obligations détenues par la BCE. La BCE a donc abandonné son credo de neutralité de marché. Un an plus tôt, Isabel Schnabel avait annoncé cette évolution, en affirmant que la BCE devait passer de la « neutralité de marché » à « l’efficacité de marché ».

Comme nous sommes en pleine inflation, et que la BCE cherche à réduire la masse monétaire en circulation, la BCE ne créera pas de la monnaie pour acheter des obligations d’entreprises, comme elle l’a fait ces dernières années. En revanche, la BCE utilisera les remboursements de ses obligations pour les investir dans des actifs « verts ».

La Banque de France dégrade la cotation des entreprises aux retards de paiement « excessifs »

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, l’avait annoncé en septembre 2021. Lors de la campagne de 2022 de cotation des entreprises françaises, la Banque de France entendait pénaliser les entreprises qui affichent des retards de paiement importants et sont par ailleurs en bonne santé financière. Pour rappel, la cotation Banque de France est une note qui évalue la capacité des entreprises françaises à rembourser leurs dettes. Les banques s’en servent lorsqu’elles examinent la demande de financement d’une entreprise, et se demandent si celle-ci parviendra à rembourser l’argent emprunté.

La dégradation de la cotation des « mauvais payeurs » permet à la Banque de France de poursuivre un double objectif. D’une part, refléter plus fidèlement la santé des entreprises, en corrigeant un biais favorable dont profitent les entreprises qui paient en retard, et renforcent ainsi leur trésorerie sur le dos des entreprises qu’elles tardent à payer. D’autre part, inciter les entreprises à payer en temps et en heure leurs fournisseurs.

La Banque de France l’avait annoncé, la Banque de France l’a fait. Dans un récent rapport consacré aux délais de paiement constatés en 2021, la Banque de France annonce avoir sanctionné un premier groupe d’entreprises qui payaient en retard leurs fournisseurs. La Banque de France a identifié 1 680 entreprises en « excellente santé financière », qui font subir des retards de paiement importants à leurs fournisseurs, alors qu’elles-mêmes n’en subissent pas de la part de leurs clients. Après un entretien avec un analyste de la Banque de France, 10 % de ces entreprises ont été sanctionnées, et ont vu leur note dégradée d’un cran sur l’échelle de cotation de la Banque de France. L’année prochaine, la banque centrale ciblera trois fois plus d’entreprises. Et alors qu’elle n’a ciblé jusqu’ici que des filiales de grandes entreprises et d’ETI, la Banque de France s’intéressera aussi aux PME.

Que nous apprennent les premiers chiffres disponibles sur les délais de paiement en 2021 ? D’abord, que les délais de paiement repartent à la baisse, après une année 2020 stable, ce qui est une bonne nouvelle pour la trésorerie des entreprises. L’évolution sur les quinze dernières années est remarquable : les délais de paiement « fournisseurs » (le nombre de jours que doivent attendre en moyenne les entreprises françaises avant d’être payées par leurs clients) sont passés de 62 jours en 2007, à 48 jours en 2021.

Mais certaines choses ne changent pas. Les PME continuent à être les bons élèves du paiement des factures, et les grandes entreprises, les mauvais élèves. La part des grandes entreprises qui paient sans retard, c’est-à-dire en moins de 60 jours, a même diminué en 2021, pour s’établir à 39 %. Si toutes les entreprises françaises payaient à temps leurs fournisseurs, les PME récupéreraient 12 milliards d’euros de trésorerie — le même montant.) qu’en 2020. Les grandes entreprises, de leur côté, perdraient un excédent de trésorerie de 16 milliards d’euros, dont elles bénéficient grâce à leurs retards de paiement.

À parcourir

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) publie son rapport sur l’état de la cybermenace en France en 2022. À noter : une légère baisse du nombre total d’attaques, et une augmentation des cyberattaques contre des cibles plus fragiles et moins équipées, comme les collectivités territoriales et les hôpitaux. cert.ssi.gouv.fr

Wandercraft est une PME industrielle qui produit des exosquelettes révolutionnaires pour les personnes en situation de handicap. Dans une vidéo, les dirigeants de Wandercraft expliquent comment Memo Bank leur a permis de renforcer leur développement, et facilite leur gestion bancaire au quotidien. memo.bank/client-wandercraft

Pourquoi les entreprises technologiques continuent-elles à licencier en masse ? Le New York Times fait le point. nytimes.com (article en anglais)

Désireux de favoriser la concurrence sur le marché de la publicité en ligne, pour faire baisser les prix, les États-Unis souhaitent obliger Google à vendre une partie de son activité publicitaire. lesechos.fr

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publie une étude prospective sur l’évolution des métiers en France d’ici 2030. dares.travail-emploi.gouv.fr

Des chiffres

Malgré le ralentissement de la croissance, le chômage continue de baisser en France : le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a diminué de 114 000 au quatrième trimestre de 2022, selon la Dares.

Des lettres

« Pour gagner de l’argent, il faut un don, mais pour le dépenser, il faut une culture. »

Alberto Moravia (1970), Entretiens avec Alberto Moravia.

À pourvoir

DevOps. — Nous avons un poste de site reliability engineer à pourvoir. Poste garanti sans dette technique vieille de 20 ans — blague facilitée par le fait que nous n’existons que depuis 2016.

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