Les retards de paiement volent en escadrille
Si vous êtes locataire, vous attendez peut-être de toucher votre salaire avant de payer votre loyer. Dans ces conditions, il suffit que votre employeur vous verse votre salaire avec un peu de retard pour que votre propriétaire ne touche pas son loyer en temps voulu. Si ce dernier doit rembourser un crédit immobilier de son côté, le retard de paiement déclenché par votre employeur peut ainsi se propager jusqu’à la banque de votre propriétaire. Tout est lié. Les retards de paiement ruissellent, ils se répandent en cascades. Une personne payée en retard est condamnée à payer en retard à son tour, et ainsi de suite, par ricochets successifs. Dans le monde de l’entreprise, c’est pareil : les entreprises qui ne sont pas payées à temps par leurs clients ne payent pas leurs fournisseurs en temps voulu elles non plus. Comme l’allongement des délais de paiement fait peser un risque sur le système économique tout entier, la Banque de France les surveille de près, notamment par le biais de l’Observatoire des délais de paiement. En lisant le dernier bulletin de la Banque de France sur les délais de paiement, on apprend que les entreprises font comme les locataires : elles attendent de toucher les règlements de leurs clients avant de payer les factures de leurs fournisseurs. En France, en 2019, les entreprises mettaient ainsi 43 jours pour se faire payer par leurs clients (délai moyen de règlement client) et 49 jours pour payer leurs fournisseurs à leur tour (délai moyen de paiement fournisseur) — ce qui reste, dans les deux cas, en dessous des 60 jours maximum prévus par la loi. Jusqu’ici rien de bien étonnant.
Les surprises surgissent quand on s’intéresse à la répartition des délais de paiement en fonction de la taille des entreprises. La Banque de France nous apprend que les grandes entreprises (GE), celles qui font plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, payent leurs fournisseurs moins rapidement que les petites et moyennes entreprises (PME), celles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 50 millions. Plus c’est grand, plus c’est lent. En 2019, les grandes entreprises mettaient en moyenne 68 jours pour payer leurs fournisseurs, quand il ne fallait en moyenne que 48 jours aux PME pour s’acquitter de leurs factures. Quand on sait qu’un quart des PME ont moins de 13 jours de chiffre d’affaires sur leur compte courant, on comprend que le moindre retard de paiement puisse être fatal à certains dirigeants. Comment les délais de paiement ont-ils évolué en 2020 ? Alors que la crise économique tire sur la trésorerie des entreprises, les PME qui se font payer avec du retard se sont mises à payer avec du retard elles aussi. C’est en tout cas ce que laisse penser le baromètre des délais de paiement mis en place par le ministère de l’Économie. Le dernier baromètre du ministère montre que près de 7 chefs d’entreprise sur 10 ont subi des retards de paiement en novembre 2020. À qui la faute ? Dans 81 % des cas, les retards de paiement essuyés par les dirigeants sondés étaient le fait d’entreprises de moins de 250 salariés — des PME (10 à 249 salariés) dans 27 % des cas et des TPE (moins de 10 salariés) dans 54 % des cas. En somme, les grandes entreprises n’auraient plus le monopole des retards de paiement, puisque les PME y succomberaient aussi.
Les PME vont mieux
Contrairement au rappeur américain JAY-Z, qui déclarait en 2004 avoir 99 problèmes, les PME françaises n’ont eu ces derniers mois qu’un seul problème en tête ; et ce problème, c’était un manque de trésorerie, c’est-à-dire une pénurie d’argent frais. Pourquoi parler de ce souci de trésorerie au passé ? Parce que le dernier baromètre de Bpifrance sur la santé des petites et moyennes entreprises nous apprend que le niveau de trésorerie des PME est au plus haut depuis mai 2018. Si 36 % des dirigeants de PME s’attendent à voir leur trésorerie se dégrader dans les 3 prochains mois, 55 % des chefs d’entreprise estiment que leur trésorerie devrait se stabiliser dans les mois qui viennent. Conséquence de ce léger regain d’argent frais dans les caisses des PME, 55 % des dirigeants comptent investir au cours des prochains mois — un chiffre qui était tombé à 41 % en fin d’année dernière. Dans quoi les PME comptent-elles investir ? Pas dans le Bitcoin, non, mais plutôt dans le renouvellement et la modernisation de leur équipement. Comment les PME ont-elles tenu le coup en 2020 ? En faisant le dos rond, et en demandant des financements, notamment des prêts garantis par l’État (PGE).
Si 70 % des PME ont fait appel aux banques pour financer leur exploitation, 68 % des dirigeants ayant obtenu un PGE déclarent y avoir peu ou pas touché depuis. À tel point que 9 % des chefs d’entreprise envisagent de rembourser l’intégralité de leur PGE dès cette année — pour se désendetter au plus vite, bien sûr, mais aussi dans l’espoir d’améliorer la cote de crédit que leur attribue la Banque de France. À l’autre bout du spectre, la part des dirigeants qui craignent de ne pas être en mesure de rembourser leur PGE s’élève désormais à 8 % (en hausse de 2 points par rapport à fin 2020). Toujours à propos du PGE : plus de 6 dirigeants sur 10 disent avoir revu leur calendrier de remboursement quand ils ont appris qu’ils pouvaient décaler d’une année supplémentaire le versement de leurs premières mensualités. Si les entrepreneurs dorment un peu mieux en ce moment, deux problèmes les freinent toujours dans la relance de leurs activités. Quels sont ces deux problèmes ? La baisse générale de la demande (déplorée par 50 % des dirigeants) et les difficultés de recrutement (citées par 38 % des chefs d’entreprise).
P.-S. Comment va JAY-Z ? Très bien, merci. L’entrepreneur musical vient de céder 50 % de sa maison de champagne (Armand de Brignac) au groupe français LVMH.