SWIFT et le fonctionnement des virements internationaux
La Russie sera-t-elle exclue de SWIFT ? Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’hypothèse d’une déconnexion des banques russes du système interbancaire international SWIFT est revenue sur le devant de la scène. Cette mesure de représailles avait pour la première fois été proposée par le Royaume-Uni, en 2014, et elle est depuis régulièrement évoquée. Les observateurs considèrent que l’exclusion de SWIFT serait dévastatrice pour l’économie russe — mais aussi pour les entreprises étrangères qui travaillent en Russie. Certains parlent même « d’arme nucléaire ». Alors, qu’est-ce que SWIFT, et pourquoi l’exclusion d’un pays de ce système a-t-elle de si lourdes conséquences ?
SWIFT est un système de communication sécurisé, qui permet aux institutions financières du monde entier de s’échanger des ordres de paiement. Supposons que vous deviez payer l’un de vos fournisseurs, qui se trouve en Nouvelle-Zélande. Votre compte courant est situé dans une banque française, domiciliée en France. Le compte de votre fournisseur est situé dans une banque néo-zélandaise, en Nouvelle-Zélande. Vous remplissez un formulaire de virement international, renseignez votre nom, l’IBAN de votre destinataire, ainsi que le code BIC de la banque néo-zélandaise — code également appelé « code SWIFT ». Vous exécutez votre virement.
Vous le savez peut-être, les banques ne s’échangent pas de l’argent à chaque fois que leurs clients émettent un virement. Les banques font d’abord les comptes entre elles, et ne s’échangent ensuite que ce qu’il reste vraiment à payer. Un peu comme lorsque vous partez en vacances avec vos amis, et que vous inscrivez les dettes sur une application comme Tricount. Quand les banques se trouvent dans un même pays, ou dans une même zone monétaire, c’est facile. Les banques envoient les informations liées aux virements de leurs clients à une « chambre de compensation », qui se charge de calculer (une ou plusieurs fois par jour) qui doit de l’argent à qui. Prenons un exemple. Imaginons qu’un client de la banque A envoie 100 € à un client de la banque B, et qu’un autre client de la banque B envoie 200 € à un autre client de la banque A (il y a 4 clients en tout). Plutôt que la banque A envoie 100 € à la banque B, et que la banque B renvoie 200 € à la banque A, les banques A et B débitent et créditent les comptes de leurs clients, en fonction des virements émis et reçus — et la chambre de compensation dit à la banque B d’envoyer 100 euros à la banque A (200 – 100 = 100).
À l’international, le mécanisme de compensation est un peu plus compliqué : il n’existe pas de chambre de compensation à laquelle seraient connectées toutes les banques du monde. C’est là qu’intervient SWIFT. Les virements internationaux entre banques fonctionnent grâce à des systèmes de compensation des banques entre elles. Les banques possèdent des comptes les unes chez les autres, et ne se transfèrent que le solde de leurs dettes respectives. Si une banque ne possède pas de compte dans une autre banque, elle peut passer par un, ou plusieurs intermédiaires — grâce à SWIFT.
Dans notre exemple, supposons que la banque néo-zélandaise de votre fournisseur ne possède pas de compte dans votre banque française, et vice-versa. Mais votre banque, et celle de votre fournisseur néo-zélandais, ont toutes les deux un compte dans une banque australienne, qui pourra jouer le rôle d’intermédiaire. Lorsque vous émettez votre virement, le système SWIFT permet de trouver le « chemin » entre votre banque et la banque néo-zélandaise de votre fournisseur, via des intermédiaires. SWIFT ne transfère pas de fonds, mais uniquement de l’information sécurisée, reconnue par les parties prenantes.
Lorsque vous émettez un virement qui passe par le réseau SWIFT, votre banque française reconnaît le message SWIFT et débite votre compte. Votre banque française demande ensuite à la banque australienne de débiter le compte que votre banque française possède chez elle, et de créditer le compte que la banque néo-zélandaise possède chez la banque australienne. La banque australienne reconnaît le message SWIFT, et après avoir prélevé une commission, va créditer le compte que la banque néo-zélandaise possède chez elle. La banque néo-zélandaise de votre fournisseur, pour sa part, créditera le compte bancaire de votre fournisseur.
Pour qu’une banque soit capable d’émettre ou de recevoir un message SWIFT (et donc d’émettre ou de recevoir des virements internationaux), il faut soit qu’elle adhère au réseau SWIFT, soit qu’elle possède un compte dans une banque, qui est elle-même adhérente à SWIFT — appelée « banque correspondante ». Grâce à ce mécanisme de correspondance, SWIFT permet d’atteindre des banques, dans le monde entier — et le système est aujourd’hui devenu un standard. SWIFT est utilisé par 11 000 institutions financières à travers le monde, et il est présent dans plus de 200 pays. Toute déconnexion de SWIFT (et des banques correspondantes) empêche les milliers de clients d’une banque de recevoir des devises facilement de l’étranger, ou de pouvoir en envoyer. Et il n’existe pas aujourd’hui d’alternative crédible à SWIFT — même si la Russie travaille depuis 2014, et les premières menaces portées à son inclusion dans SWIFT, à l’élaboration d’un système concurrent.
La France vice-championne d’Europe des impôts de production
La compétitivité de l’économie française se dégrade : l’institut Rexecode vient de le rappeler dans son dernier rapport annuel sur la compétitivité française, paru le 15 février dernier. Le déficit commercial français a battu un record en 2021, et les parts de marché françaises reculent à l’export, sur la totalité des biens que nous produisons — à l’exception des « cuirs et peaux » et des « boissons ». Les parts de marché progressent dans les services — mais ceux-ci ne représentent, en valeur, que 30 % des exportations. L’une des principales raisons de notre manque de compétitivité serait que nos produits souffrent d’un mauvais rapport qualité-prix. Et la perception par les acheteurs étrangers de ce rapport qualité-prix recule.
Pour améliorer un rapport qualité-prix, deux solutions sont possibles : soit vous essayez d’augmenter la qualité, soit vous tentez de baisser le prix. C’est autour de cette seconde solution que se cristallisent depuis quelques mois le débat économique et l’action du gouvernement. L’idée est de baisser les coûts de production des entreprises, pour leur permettre de vendre moins chers leurs produits et services à l’exportation. Comment permet-on aux entreprises de baisser leurs coûts de production ? En réduisant des impôts devenus très médiatiques : les « impôts de production ».
Les impôts de production forment une galaxie hétéroclite de prélèvements obligatoires, qui ont la caractéristique commune de ne pas être liés à la rentabilité des sociétés. L’impôt sur les sociétés n’est dû que par les entreprises qui dégagent des bénéfices ; les impôts de production sont dûs à partir du moment où l’entreprise commence à produire, même si elle perd de l’argent. D’où le fait que des entreprises les trouvent excessifs, voire injustes — et considèrent qu’ils pénalisent leur attractivité, rendant leurs coûts de production plus élevés. À titre de comparaison, les impôts de production payés par les entreprises ont rapporté 85,5 milliards d’euros à l’État et aux collectivités en 2020. L’impôt sur les sociétés a rapporté en 2020 39,5 milliards d’euros.
On retrouve dans les impôts de production des prélèvements obligatoires liés à la masse salariale (comme le versement mobilité, qui finance les transports en commun), à la propriété (des équivalents de la taxe foncière que paient les particuliers), au chiffre d’affaires — par exemple, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), est équivalente à 0,16 % du chiffre d’affaires des entreprises dont les ventes dépassent 19 millions d’euros. Une autre particularité de ces impôts est qu’une grande partie d’entre eux est destinée à financer des collectivités locales. Par exemple, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est versée pour moitié aux départements, et pour moitié aux communes et aux intercommunalités. À l’inverse des entreprises, les collectivités sont donc inquiètes des perspectives de baisse des impôts de production — d’autant que celles-ci ont déjà commencé. Dans le cadre du plan de relance de septembre 2020, le gouvernement a baissé les impôts de production une première fois.
Les impôts de production sont-ils supérieurs en France aux autres pays européens ? La premier baromètre européen des impôts de production, publié le 21 février dernier par l’Institut Montaigne et le cabinet d’audit Mazars, répond par l’affirmative, et nourrira probablement le débat sur la question. Parmi les 11 pays analysés, qui représentent les principales économies de l’Union européenne et le Royaume-Uni, la France figure à la deuxième place. Le poids des impôts de production rapporté au PIB y est de 4,4 %, contre 2,5 % en Italie, 1,1 % au Royaume-Uni, 0,7 % en Allemagne, 0,4 % aux Pays-Bas. Seule la Suède dépasse la France, avec un poids des impôts de production de 10,3 % dans son économie. L’Institut Montaigne souligne toutefois qu’en Suède, ces impôts de production financent en grande partie la protection sociale.