Les dirigeants de PME soufflent un peu
Si vous prévoyez de vous installer en terrasse sans vous équiper au préalable d’un ciré, de bottes, et d’un ciré de secours, vous aurez peut-être l’impression que nous sommes brutalement passés du printemps à l’automne. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Nous sommes toujours au printemps. Le retour du baromètre que Bpifrance consacre chaque trimestre aux PME est là pour le confirmer, puisque la dernière édition en date porte bien la mention de « mai 2021 » sur sa couverture.
Que dit le dernier baromètre publié par la banque publique d’investissement ? Comment vont les PME françaises ? Réponse courte : mieux, à tous les niveaux ou presque. En matière de trésorerie par exemple, la part des dirigeants qui ont peur que leur trésorerie se dégrade dans les mois qui viennent est passée de 82 % en mai dernier, à 27 % aujourd’hui. Net retour de la confiance donc. Après de longs mois passés à osciller entre le doute et l’anxiété, les entrepreneurs respirent un peu mieux. Conséquence du retour de la confiance, 57 % des 1 988 dirigeants interrogés par Bpifrance se disent partants pour investir cette année (2021). Ils n’étaient que 37 % à tenir ce discours l’année dernière à la même époque (2020). Nous voilà donc presque revenus au niveau constaté en mai 2019, quand 59 % des chefs d’entreprise se disaient prêts à investir.
Dans quoi les PME prévoient-elles d’investir en 2021 ? Toujours pas dans le Bitcoin, mais plutôt dans le renouvellement ou la modernisation de leur équipement. Un nouveau camion par-ci, une nouvelle machine par-là. Et bien plus encore. Signe que la crise a modifié les priorités des dirigeants : 35 % des chefs d’entreprise disent avoir envie d’investir dans la réduction de leur empreinte énergétique — une hausse de près de 15 points par rapport à 2018. Et une tendance confirmée par l’intérêt des PME pour les bilans carbone. De quoi ravir l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’agence gouvernementale qui aide les PME à financer leurs projets de transition écologique.
Revenons au baromètre. Qu’en est-il du financement des PME et de leur accès au crédit ? Tout dépend du type de crédit étudié. Commençons par les crédits de trésorerie. Entre janvier et avril 2021, 72 % des dirigeants de PME ont eu recours à un crédit de trésorerie pour financer leurs dépenses courantes. Parmi eux, 14 % déclarent avoir eu du mal à obtenir de quoi financer leur trésorerie auprès de banques — une proportion en baisse par rapport aux baromètres précédents. Voyons maintenant les crédits d’investissement, ceux que les entreprises mobilisent pour financer leur avenir. 79 % des chefs d’entreprise qui prévoient d’investir en 2021 comptent financer leurs investissements par des crédits bancaires. Parmi eux, 20 % des dirigeants disent avoir des difficultés à obtenir des crédits de financement — une proportion en hausse quant à elle, ce qui témoigne d’un léger durcissement de l’accès aux crédits de financement par les banques.
Seule ombre au tableau : les délais de paiement client, c’est-à-dire le temps que les PME doivent attendre avant de toucher ce qui leur est dû, et les délais de règlement fournisseur, c’est-à-dire le temps que les PME mettent à payer ce qu’elles doivent, sont tous les deux en hausse. Plus préoccupant, les délais de paiement client semblent augmenter plus vite que les délais de règlement fournisseur, ce qui signifie que les PME doivent « tirer » de plus en plus sur leur trésorerie, pour faire la jointure entre le moment où elles payent leurs fournisseurs et le moment où elles reçoivent les paiements de leurs clients. Est-ce là un relâchement passager ou le retour d’une tendance de fond ? Difficile de se prononcer sur le sujet à ce stade. Un peu comme sur la météo des jours à venir.
Les banques pensent que les banques servent bien les PME
Les PME disposent-elles d’offres bancaires « variées, concurrentielles, et adaptées à leurs besoins » ? C’est la question posée en mai 2020 par le ministre de l’Économie à l’observatoire du financement des entreprises (OFE), un organisme rattaché à la Banque de France, en partie composé de banques, d’organisations patronales, et d’administrations. Un an après la question posée par le ministre, l’OFE vient de poser sa réponse, sous la forme d’un rapport. Comme nous avons décidé de fonder Memo Bank en partant du principe que les PME ne disposaient pas toujours d’offres bancaires adaptées à leurs besoins, inutile de vous dire que nous avons lu le rapport en question de près.
Le rapport commence par rappeler que la France compte plus de 36 000 agences bancaires, réparties sur tout le territoire, ce qui permet aux banques d’entretenir une relation de proximité avec leurs clients, notamment avec leurs clients entrepreneurs. Pour faire vivre ces agences, il y aurait en France 55 000 conseillers bancaires chargés d’accompagner les entreprises dans leur développement. Pourtant, en dépit des efforts faits par les banques pour être présentes aux côtés des dirigeants, à peine plus de la moitié des chefs d’entreprise rendent visite à leur banquier chaque trimestre. Explication possible du désintérêt des dirigeants pour les rendez-vous avec leur banquier : 81 % des chefs d’entreprise déclarent utiliser le site internet de leur banque. La relation de proximité qui lie les dirigeants à leurs banquiers semble donc être essentiellement virtuelle. Mais au terme d’une année 2020 marquée par deux épisodes de confinement, ce résultat n’est pas si étonnant que ça.
Est-ce que les banques ont tenu leur rang quand il fallu distribuer des prêts garantis par l’État (PGE) et des crédits de trésorerie à tour de bras ? À cette question, le rapport de l’OFE répond « oui », sans hésiter, et les études menées par la confédération des PME (CPME) leur donnent raison, puisque 80 % des dirigeants de PME ont le sentiment d’avoir été soutenus par leur banquier tout au long de la crise sanitaire. Comme nous l’avons déjà écrit dans cette newsletter, le PGE a surtout profité aux TPE et aux PME — notamment grâce à la mobilisation rapide des banques traditionnelles. Les banques ne se sont pas dérobées sur ce coup. Bon point pour elles donc.
Le rapport de l’OFE se penche ensuite sur la question des tarifs bancaires. Vaste sujet, dont nous avons déjà parlé sur notre magazine, et sujet de surcroît compliqué, car les tarifs des banques ne sont pas toujours comparables d’une banque à une autre. Certaines banques facturent par exemple des frais de « commission annuelle de tenue de dossier administratif » quand d’autres parlent de « commission d’actualisation administrative ». Pour un même service, il arrive que des banques pratiquent des prix différents selon le chiffre d’affaires de leur client, quand d’autres facturent la même chose à toutes les entreprises. Ces divergences tarifaires n’ont cependant pas empêché l’OFE de comparer les prix affichés par onze banques françaises (sans jamais les nommer). Il en ressort que les PME paient globalement plus cher que les TPE, à services bancaires égaux, c’est-à-dire pour accéder aux même services que les TPE.
Bien qu’il soit globalement favorable aux banques, le rapport de l’OFE reconnaît que les frais d’incidents prélevés par ces dernières sont difficilement lisibles pour les clients. Interrogés sur ce sujet, 74 % des chefs d’entreprise déclarent que les frais d’incidents leur semblent moyennement lisibles, voire pas du tout. À la décharge des banques, les trois quarts des entreprises n’ont pas payé de frais d’incidents en 2019. Plus étonnant : dans son estimation des frais bancaires payés par les PME chaque année, l’OFE ne semble pas avoir pris en compte les commissions de mouvement prélevées par les banques. Pourtant, ces frais variables peuvent représenter une part non-négligeable des frais payés par une entreprise. Comme toutes les grandes banques françaises prélèvent des commissions de mouvement sur toutes les opérations sortantes des PME, ce poste de dépense aurait sans doute pu être pris en compte par les rapporteurs. Il ne semble pas y avoir de différence d’une banque à une autre sur ce point, si ce n’est au niveau du taux des commissions de mouvement pratiqué (de 0,07 % à 0,20 %).
Alors, est-ce que les PME sont bien servies par les banques ? Oui, répond l’OFE, notamment parce que les banques ont proposé des crédits de trésorerie aux PME quand elles en avaient le plus besoin — ce qui est indéniable. Néanmoins, les banques en ligne qui liront ce rapport pourront se dire que les PME payent relativement cher (plus cher que les TPE) pour voir leur conseiller assez rarement. De quoi donner des idées aux concurrents des banques traditionnelles qui cherchent à s’imposer sans réseaux d’agences. En somme, tout le monde peut voir midi à sa porte avec ce rapport ; c’est à la fois son mérite et sa limite. Les banques traditionnelles peuvent s’en féliciter. Les concurrents des banques traditionnelles peuvent s’en réjouir. Et les PME peuvent en faire une lecture réconfortante. Pour un rapport produit par un agrégat d’institutions aux intérêts variés et parfois divergents, c’est sans doute rassurant.