Full Metal Blanquette
Quand vous en avez marre de citer Churchill, mais que vous n’écoutiez pas suffisamment en cours d’histoire pour citer Clausewitz, une solution intermédiaire consiste à invoquer Sun Tzu, l’auteur de L’art de la guerre, un traité de stratégie militaire chinois vieux de 2 500 ans. Désormais passé à la postérité, l’ouvrage de Sun Tzu est encore au programme des écoles militaires, bien sûr, mais il trouve aussi des lecteurs chez les entrepreneurs, qui voient dans L’art de la guerre un manuel de stratégie d’entreprise, une introduction aux rapports de force économiques. Après tout, pourquoi pas ? Ne parle-t-on pas d’espionnage industriel ou de cyber-attaques pour désigner les menaces auxquelles les entreprises font face ? N’a-t-on pas vu des États mettre leur nez dans les affaires de grands groupes étrangers ? Si les grandes entreprises semblent avoir intégré les risques d’espionnage, d’ingérences étrangères, et de piratage, les PME se sentent moins concernées, elles — comme nous en avons déjà parlé dans cette newsletter. Pour la plupart des dirigeants de PME, L’art de la guerre est une lecture exotique, récréative, mais sans doute pas un manuel pour les belligérants de la guerre économique moderne. Pourtant, les PME qui travaillent dans des secteurs stratégiques comme la défense ou l’énergie peuvent être la cible d’attaques elles aussi, quelle que soit leur taille. Sans être des cibles aussi visibles que les grands groupes, les PME n’échappent pas aux risques inhérents à leur secteur d’activité, surtout quand ce dernier relève de la sûreté nationale.
Alors, que faire pour sensibiliser les dirigeants de PME aux menaces que leur activité fait peser sur leur entreprise ? Comment leur faire prendre conscience que leur PME est exposée, même si leur entreprise n’est qu’un simple maillon dans l’immense chaîne de l’industrie militaire ou nucléaire ? Pour aider les dirigeants de PME stratégiques à se prémunir contre de potentielles attaques, la France dispose d’un service gouvernemental spécial ; ce service, c’est la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense, ou DRSD. Comme l’explique Maddyness, la DRSD est un service au service de la France. Les soixante agents de la DRSD ont pour mission d’identifier les PME qui pourraient être prises pour cible du fait de leur activité ou de leurs produits. Une fois identifiées, les PME sensibles reçoivent la visite d’un agent de la DRSD, qui ne les assomme pas avec Sun Tzu, mais qui leur explique comment verrouiller leur réseau informatique, protéger leurs secrets de fabrication, ou encore sécuriser leur site de production. Le wifi de telle PME qui fabrique des pièces pour l’armement n’est pas sécurisé ? Comptez sur les agents de la DRSD pour s’en apercevoir et indiquer à la PME comment corriger le tir. Les sauvegardes de telle autre PME qui conçoit des pièces d’avions de combat sont stockées en clair, sans aucun chiffrement, sur des serveurs facilement accessibles depuis l’extérieur ? Là encore, attendez-vous à ce que la DRSD débarque, trouve la faille, et contribue à la résorber. À la guerre, comme dans certains secteurs d’activité, la méfiance est mère de la sûreté.
La déferlante de défaillances aura-t-elle lieu ?
Vos cadeaux commandés sur Internet ne sont pas les seuls à être retardés : la vague de faillites tant redoutée se fait attendre elle aussi, comme le rapporte le quotidien Les Échos. Alors que plusieurs analystes annonçaient une recrudescence des défaillances d’entreprise en 2020 — notamment à partir du 7 octobre — c’est le contraire qui s’est produit. Par rapport à 2019, le nombre d’entreprises en cessation de paiement a baissé de 30 % en 2020, d’après les tribunaux de commerce, qui reçoivent, comptabilisent, et accompagnent les entreprises arrivées à court de trésorerie. Concrètement, il devrait y avoir 15 000 défaillances de moins cette année, par rapport au nombre de défaillances enregistrées en 2019. Et tout ça alors que la plupart des entreprises ont été fermées pendant plusieurs semaines et que le produit intérieur brut (qui donne une indication du niveau de production) a chuté de 9 % en 2020. Est-ce à dire que les analystes qui annonçaient une avalanche de défaillances ont eu tort de crier au loup ? Les Cassandres ne seraient-elles plus aussi fiables qu’avant ? C’est plus compliqué que ça, semble-t-il.
D’abord, les mesures économiques mises en place par le gouvernement à partir du mois de mars ont donné un peu d’air à de nombreuses entreprises. Ces dernières ont ainsi pu recourir au chômage partiel, faire appel au fonds de solidarité (quand elles y avaient droit), reporter certaines cotisations, ou encore demander à leur banque un prêt garanti par l’État (PGE). Ensuite, les URSSAF, qui rabattent d’ordinaire les entreprises en difficulté vers les tribunaux, auraient fait preuve de plus d’indulgence cette année. Au total, comme le montrent bien les greffiers des tribunaux de commerce dans leur dernier baromètre, la situation est paradoxale : les entreprises ont davantage pris l’eau en 2020, mais elles ont moins coulé qu’en 2019. Le nombre de défaillances d’entreprises est certes en baisse cette année, mais la proportion d’entreprises en difficulté qui finissent par disparaître (liquidation) est quant à elle en hausse — 75,8 % des entreprises en défaillance ont été liquidées en 2020, contre 73,6 % en 2019. Si l’accalmie ne peut pas durer, l’apocalypse annoncée par certains ne devrait pas avoir lieu pour autant. Des vagues de défaillances sont à craindre en 2021, notamment à partir du mois de mars, quand les entreprises commenceront à rembourser leur PGE, mais le raz de marée annoncé sera sans doute lissé sur toute l’année.