Les caractères chinois et le caractère des entrepreneurs
S’il vous arrive de traîner sur LinkedIn, vous avez sans doute vu passer des messages expliquant que le mot « crise » s’écrit avec deux caractères en chinois. Le premier caractère signifierait « danger » et le second « opportunité ». Dans la tradition chinoise, chaque crise contiendrait ainsi un danger et une opportunité, une part de risque et une part d’aventure. Cette interprétation a l’avantage d’être séduisante et l’inconvénient d’être infondée — c’est Victor Mair, professeur de chinois à l’université de Pennsylvanie, qui le dit. Au fond, peu importe que cette théorie tienne la route sur le plan linguistique ou pas. C’est sans importance, car les entrepreneurs qui la relaient sur LinkedIn ne semblent pas y souscrire pour ce qu’elle dit de la culture chinoise, mais pour ce qu’elle dit d’eux. Si les dirigeants apprécient la métaphore des signes chinois, c’est parce qu’elle met des mots et du sens sur les différentes émotions par lesquelles ces derniers sont passés depuis le début de la crise. En effet, après avoir eu très peur pour leur entreprise (danger), de nombreux dirigeants ont décidé de réinvestir pour remettre leur organisation sur les rails (opportunité). Et pour le coup, ce n’est pas une vaseuse théorie qui le dit, mais deux chercheurs français, qui ont suivi 306 entreprises pour étudier les différentes stratégies mises en place par les entrepreneurs face à la crise économique que nous traversons.
Est-ce que tous les dirigeants réagissent de la même façon sous la pression ? Non. L’étude montre qu’il existe quatre stratégies différentes pour faire face à une crise. La première stratégie consiste à limiter les dépenses, pour compenser la baisse du chiffre d’affaires ; c’est une stratégie défensive. À l’opposé, la deuxième stratégie consiste à investir, à développer de nouveaux produits pour sortir plus fort de la crise ; c’est une stratégie offensive. La troisième stratégie se situe à mi-chemin entre les deux premières, c’est une stratégie duale, qui revient à jouer défensif dans un premier temps (pour passer l’orage), avant de réinvestir dans un second temps (juste avant l’éclaircie). Plusieurs études sur le sujet tendent d’ailleurs à montrer que la stratégie duale est la plus efficace en temps de crise. Enfin, il existe une quatrième et dernière stratégie, qui consiste à ne rien faire en attendant que la crise passe ; c’est la stratégie du statu quo, du dos rond. Si la stratégie duale est la plus efficace en temps de crise, est-elle la plus courante parmi les entreprises étudiées ? Réponse : oui, la stratégie duale est majoritaire en France depuis le début de la pandémie de Covid-19. Pour faire face à la crise, 41 % des entreprises ont commencé par réduire la voilure avant de développer de nouvelles offres, adoptant ainsi une stratégie défensive puis offensive. Qu’ont fait les autres ? 20 % des entreprises ont opté pour une stratégie strictement défensive pendant que 26 % des dirigeants faisaient le choix inverse et misaient tout sur une stratégie purement offensive. Enfin, 13 % des entreprises ont fait le choix de ne pas faire de choix en optant pour le statu quo.
Les PME et les tableaux Excel à tout faire
C’est une blague assez connue dans le monde du numérique : si vous développez un outil destiné aux PME, votre principal concurrent n’est ni Google, ni Amazon, mais Excel — un tableur lancé par Microsoft en 1985. Vous développez un outil de gestion de projet ? Votre concurrent n’est pas l’outil de collaboration à la mode ; c’est Excel. Vous vendez une application de suivi des candidatures ? Votre concurrent n’est pas l’application RH qui cartonne sur Hacker News ; c’est Excel. Quelle que soit l’application que vous développez, Excel permet sans doute déjà de faire la même chose, de manière plus ou moins dégradée, certes, mais pour moins cher et dans une interface familière. Dit autrement, Excel est une application qui recouvre d’autres applications, un logiciel qui permet de réaliser tout un tas de tâches secondaires. La bonne nouvelle pour les sociétés technologiques qui s’adressent aux PME, c’est qu’il leur suffit de prendre l’une de ces tâches, de la sortir d’Excel, et d’en faire une application à part entière. C’est par exemple ce que fait Agicap depuis quelques années. Agicap tente de convaincre les PME de ne plus utiliser Excel pour gérer leur trésorerie.
Mais comment convaincre les PME de remplacer Excel, non pas par Google Docs, mais par une suite d’outils spécifiques ? Vaste programme. Si Excel a pour inconvénient de fragmenter les données de l’entreprise, Google Docs résout ce problème, en permettant à tous les collaborateurs de travailler sur le même fichier. Est-ce suffisant ? Pour Agicap, la réponse est non. La gestion de trésorerie serait une tâche trop sérieuse pour être confiée à un tableur, même collaboratif. D’après Agicap, les PME qui suivent leur trésorerie de très près au moyen d’outils spécialisés s’en sortent mieux que celles qui jonglent entre des fichiers Excel vaguement à jour, notamment en temps de crise. En gérant leur trésorerie au moyen d’une application spécialisée, les PME peuvent visualiser tous leurs flux au même endroit, établir des projections fiables, et bénéficier d’une source de données financières mise à jour en temps réel. Autre avantage des outils spécifiques : ils s’intègrent avec d’autres outils du même type — ce que ne fait pas Excel, puisqu’il les contient déjà tous, en version allégée et à monter soi-même. Si vous gérez une PME, ne cédez pas à la facilité qui consiste à remplacer Excel par un tableur en ligne. Identifiez plutôt les tâches qu’Excel vous permet de réaliser, et déterminez celles que vous pourriez effectuer dans un outil plus approprié, pour gagner en efficacité.