Vivement le bicentenaire du premier confinement
Napoléon Bonaparte est mort le 5 mai 1821, sur l’île de Sainte-Hélène. Les esprits s’échauffent actuellement pour savoir s’il faut célébrer ou non le bicentenaire de sa disparition, le 5 mai 2021. De son côté, Joseph Fouché s’est éteint le 26 décembre 1820, à Trieste. Le 26 décembre 2020, jour du bicentenaire de sa mort, il ne s’est strictement rien passé. Et pour cause : si tout le monde se souvient de Napoléon Bonaparte, personne ne se souvient de Joseph Fouché. Personne, sauf deux personnes : Balzac et Zweig. C’est en lisant le premier que le second a eu l’idée de consacrer une biographie à Fouché. Qui était Joseph Fouché ? Un homme de l’ombre, qui a œuvré dans l’ombre au point d’y rester. Né en 1759, Fouché fut tour à tour : prêtre dans sa jeunesse, pilleur d’églises à la Révolution, compagnon de route de Robespierre durant la Terreur, puis ministre de la Police pour le compte de Napoléon. Parti de rien, gagnant en influence à chaque changement de régime, Fouché s’est imposé comme l’un des hommes les plus puissants de son époque, au point d’être redouté par Bonaparte lui-même. C’est d’ailleurs lui qui négocia avec les Anglais après la défaite de Napoléon à Waterloo, en 1815, avant d’être débarqué et de tomber dans l’oubli quelques années plus tard. Voilà pour la petite histoire. Revenons à Zweig. Si Zweig s’est intéressé à Fouché, c’est parce qu’il a vu en lui un fin stratège. Pour l’écrivain autrichien, Fouché est la parfaite incarnation du caméléon politique : un esprit froid, précis, méticuleux, capable de sentir le vent tourner avant tout le monde pour en profiter mieux que personne. Apprécié pour son efficacité, mais détesté pour ses méthodes, Fouché fut plusieurs fois chassé du pouvoir et contraint à l’exil. D’après Zweig, c’est précisément dans ces périodes d’isolement forcé que Fouché aurait puisé sa détermination, son énergie créatrice, trouvant dans chacune de ses chutes un moyen de s’élever un peu plus haut, rassemblant ses forces après chaque échec pour revenir plus clairvoyant encore, se relevant à chaque fois que ses adversaires pensaient l’avoir enterré.
Pourquoi parler de Fouché aujourd’hui, en 2021 ? Parce que les entrepreneurs ont eux aussi connu la solitude forcée durant le confinement. Ils sont passés de la pleine possession de leurs moyens à l’état d’impuissance, sommés qu’ils étaient de rester chez eux, exilés sur leur canapé, coupés dans leur élan. Si certains dirigeants ont accepté de suspendre leurs affaires en attendant la reprise, d’autres, comme Fouché avant eux, ont profité de la violente rupture introduite par le confinement pour jeter un regard neuf sur leur entreprise et réinventer leur activité avec succès. Le journal Le Monde dresse cette semaine le portrait d’entrepreneurs dont l’essor a été freiné en 2020, mais qui ont tiré de cette interruption violente une vision plus large et plus profonde de leur métier. L’article cite l’exemple d’un traiteur bio, dont l’activité événementielle s’est arrêtée quand les entreprises ont fermé, mais qui a su rebondir en écoulant ses produits sous la forme de paniers garnis vendus dans les entreprises (aux salariés directement). Mêmes produits, mêmes clients, mais canal de vente différent. Autre exemple de rupture transformée en idée lumineuse : la marque de chaussures Pied de Biche s’est mise à vendre ses souliers sous la forme de précommandes en ligne, faute de pouvoir les vendre en boutique, ce qui lui a permis de continuer à produire sans prendre le risque d’accumuler trop de stocks. La marque n’a ainsi fabriqué que les modèles qui lui avaient été commandés et payés au préalable. Pas de trésorerie à avancer, pas de stock à gérer, même avec des boutiques fermées. En somme, loin de se laisser abattre par le confinement et l’arrêt brutal de leur activité, les entrepreneurs cités par Le Monde ont su repartir avant de recevoir les aides de l’État. Certains semblent même se réjouir d’avoir été ainsi stoppés dans leur train-train quotidien, car ce coup d’arrêt les a secoués, réveillés, leur a permis de sortir des habitudes dans lesquelles ils étaient empêtrés. Qui sait, peut-être célébrerons-nous un jour le confinement comme un glorieux événement ? Réponse dans 200 ans.
Les PME se mettent à l’index
Depuis le 1er mars 2020, les PME (50 à 250 salariés) doivent calculer et publier leur index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Cette obligation concerne déjà les entreprises de plus de 1 000 salariés, depuis le 1er mars 2019, et celles d’au moins 250 salariés, depuis le 1er septembre 2019. En quoi consiste l’index de l’égalité professionnelle ? Il s’agit d’une note (sur 100), calculée par les entreprises elles-mêmes, à partir de 4 à 5 indicateurs de parité. Une fois calculée, la note permet d’évaluer si la parité entre les hommes et les femmes est bien respectée au sein de l’entreprise. L’index d’égalité professionnelle tient par exemple compte de l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Plus l’index d’une entreprise se rapproche de 100 (la note maximale) et plus la parité est considérée comme respectée au sein de l’entreprise en question. Une fois leur index calculé, les entreprises doivent le communiquer à l’inspection du travail ainsi qu’à leurs salariés. Elles doivent aussi publier leur note sur leur site Internet, quand cela est possible. Si l’index d’une entreprise se situe en dessous de 75, cette dernière dispose d’un délai de 3 ans pour corriger le tir. Si l’entreprise en question ne fait rien, ou pas assez, pour atteindre la note de 75 sur 100 (au moins), elle s’expose à une pénalité dont le montant peut aller jusqu’à 1 % de sa masse salariale annuelle. Les entreprises qui ne rendent pas leur index public s’exposent elles aussi à une pénalité d’un montant équivalent.
Quelle note les PME obtiennent-elles en moyenne ? Difficile à dire, dans la mesure où plus de la moitié d’entre elles n’ont pas publié leur premier index en 2020, comme le rapportent Les Échos. Pourquoi les PME ne jouent-elles pas le jeu ? Contrairement aux entreprises de plus de 1 000 salariés, qui ont les moyens techniques de retraiter toutes leurs fiches de paye pour calculer leur index de manière plus ou moins automatique, les PME n’ont ni les équipes ni les connaissances juridiques pour déterminer rapidement leur index. Contraintes de calculer leur index « à la main », les PME rechignent à le faire, faute de temps et de personnel qualifié. Est-ce à dire que les dirigeants de PME se moquent de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ? Non, pas vraiment. Certains dirigeants ne savent tout simplement pas qu’ils doivent calculer et publier un index d’égalité professionnelle. D’autres le savent, mais ne l’ont pas fait en 2021, absorbés qu’ils étaient par la crise économique et sanitaire. Que peut-on en conclure à ce stade ? Les indicateurs que le gouvernement impose aux entreprises sont un arbitrage entre simplicité et exhaustivité. Si l’indicateur est simple à calculer pour les entreprises, il ne renseignera peut-être pas suffisamment le gouvernement. À l’inverse, un indicateur complexe renseignera plus précisément le gouvernement, au prix d’un temps de calcul plus long pour les entreprises les moins structurées. Que les PME trainent les pieds pour calculer leur index ne signifie pas nécessairement qu’elles ne s’y intéressent pas. De même, le fait que les grandes entreprises calculent et publient leur index ne doit pas être interprété comme le signe que les inégalités salariales entre les hommes et les femmes se sont résorbées chez les cadres — d’après une récente étude de l’APEC, elles sont plutôt stables.