Que faire de l’encadrement intermédiaire ?
D’après la légende, si l’équipe de France de football est allée jusqu’en finale de la coupe du monde 2006, après un premier tour compliqué (deux matchs nuls sur trois joués), c’est parce que certains joueurs auraient pris « les clés du camion » en cours de route, laissant l’entraîneur d’alors, Raymond Domenech, sur la touche. Qualifiée de justesse pour les huitièmes de finale, l’équipe de France de 2006 n’aurait alors pas eu d’autre choix que de mettre son destin entre les mains de quelques joueurs clés, désobéissant ainsi à son entraîneur. On connaît la suite : emmenée par un Zinédine Zidane à la fois joueur et entraîneur, les Bleus sont montés en puissance lors des phases finales, battant tour à tour l’Espagne, le Brésil, et le Portugal, avant de chuter face à l’Italie dans le match pour le titre mondial. Cette histoire est à prendre au conditionnel, bien sûr. Tout ceci n’est peut-être qu’une légende. Néanmoins, avérée ou pas, il est possible de faire une lecture managériale de cette anecdote sportive. On peut en effet y voir la victoire du management de proximité (celui des joueurs par les joueurs) sur l’encadrement intermédiaire (l’entraîneur et ses adjoints). Au fond, à quoi bon écouter l’entraîneur quand les individus sur le terrain peuvent se prendre en main seuls ? Si la crise traversée par l’équipe de France de football, en 2006, vous fait furieusement penser à ce que nous avons vécu pendant les deux épisodes de confinement, en 2020, alors faites confiance à votre intuition, car les parallèles possibles sont nombreux. Souvenez-vous, mars dernier. Le confinement décrété, les bureaux fermés, le télétravail généralisé…
Que s’est-il alors passé ? Deux choses. Premièrement, les dirigeants ont tenu leur rang et pris de nombreuses décisions rapidement ; ils étaient les seuls à pouvoir traduire en mesures concrètes les consignes gouvernementales et ils l’ont fait. Deuxièmement, alors que tout aurait pu s’arrêter, les managers de proximité, ceux qui connaissent le terrain, ont permis aux entreprises de continuer à tourner. Pendant que les dirigeants et les managers de proximité jouaient les tauliers, l’encadrement intermédiaire, c’est-à-dire les « fonctions support » et les managers intermédiaires, produisaient certes des normes, des consignes, des guides au format PDF, mais sans vraiment parvenir à se faire entendre. Pris entre le marteau et l’enclume, coincés entre des dirigeants mieux placés pour trancher, et un management de proximité plus légitime sur le terrain, l’encadrement intermédiaire s’est retrouvé sur la touche, à la fois isolé et neutralisé, comme Raymond Domenech en 2006. Dans ces conditions, et alors que la question de la pérennisation du télétravail se pose actuellement, il n’est pas étonnant de voir les managers intermédiaires se détourner plus que les autres du travail à distance — un mode de travail qui repose plus sur l’autonomie et la confiance que sur les règles et le contrôle. D’un côté, les employés et les cadres souhaitent profiter de leur autonomie accrue pour obtenir plus de flexibilité dans l’organisation de leur travail ; de l’autre, les managers intermédiaires réclament un retour rapide au bureau, dans l’espoir de retrouver le contrôle qui leur a échappé depuis le début de la crise sanitaire. Une étude menée sur le sujet par l’association pour l’emploi des cadres (APEC) illustre bien cette divergence dans les attentes des uns et des autres. Si 77 % des cadres souhaitent travailler à distance au moins un jour par semaine à l’avenir, cette part tombe à 63 % chez les cadres qui sont aussi managers, ceux qui sont susceptibles d’appartenir à l’encadrement intermédiaire.
Une offre que les banques ne peuvent pas refuser
Les PME ont désormais un ministre délégué. Pas un secrétaire d’État, ni un parrain symbolique, mais un vrai ministre. Ce ministre, c’est Alain Griset. Ancien chauffeur de taxi, Alain Griset a présidé l’Union des entreprises de proximité (U2P), avant d’intégrer le gouvernement Castex en juillet 2020, pour y représenter les PME. Alors que la question du remboursement du prêt garanti par l’État (PGE) se pose pour beaucoup de chefs d’entreprise, Alain Griset est intervenu dans Le journal des entreprises pour rappeler les règles du jeu en matière de PGE. Est-ce que les entreprises qui ont demandé un PGE peuvent reporter d’un an supplémentaire le début du remboursement de leurs mensualités ? Oui, répond Alain Griset, rappelant au passage que le ministre de l’Économie s’y est engagé, au même titre que la Fédération bancaire française (FBF) — comme nous en avons déjà parlé dans cette newsletter. Si tout le monde est d’accord pour accorder un an de répit supplémentaire aux entreprises ayant sollicité un PGE, tout va bien alors, tout roule ? Pas si vite. À en croire Alain Griset, qui paraphrase au passage le George Orwell de La ferme des animaux, toutes les banques sont d’accord pour reculer d’un an le remboursement du PGE, mais certaines banques sont plus d’accord que d’autres.
D’après le ministre délégué aux PME, certaines agences bancaires ne se sentent pas trop concernées par les demandes de report de remboursement. Volontiers rassurant, Alain Griset rappelle que les dirigeants peuvent se tourner vers le médiateur du crédit si jamais leur banque rechigne à décaler d’un an le remboursement de leur PGE. Mais que faire si l’intervention du médiateur ne suffit pas à tordre le bras de la banque réfractaire ? Dans ce cas, le ministre précise que Bercy se charge « d’intervenir » directement pour que les banques « jouent le jeu ». En quoi consiste l’intervention de Bercy dans ce genre de cas ? L’article ne le dit pas, hélas. Toujours dans l’entretien avec le Journal des entreprises, mais un peu plus bas cette fois, Alain Griset confirme qu’il souhaite porter la durée totale du PGE de 6 à 8 ans, pour donner de l’air aux entrepreneurs. Ces derniers auraient alors deux ans de plus pour rembourser leur PGE. Une rallonge bienvenue. Le hic, c’est que la seule intervention de Bercy ne suffira pas sur ce coup, puisque cette décision revient à la Commission européenne. Quand les chefs d’entreprise seront-ils fixés sur ce point ? La Commission devrait donner une réponse au gouvernement français « dans les trois à quatre mois qui viennent », précise Alain Griset.