Vous ne viendrez plus chez nous par hasard
Il y a encore quelques dizaines d’années, la majorité des services proposés par les banques n’étaient accessibles qu’en agence bancaire, ce qui obligeait les clients à s’y rendre souvent. Envie de consulter l’historique de votre compte ? Venez à l’agence. Besoin d’ouvrir un livret A ? Venez à l’agence. Comme les agences étaient incontournables, les banques se sont mises à en ouvrir partout sur le territoire — à tel point que la France compte aujourd’hui plus d’agences que de mairies (35 837 en 2019). En ces temps-là, les agences avaient littéralement pignon sur rue. Et puis Internet est arrivé… Et tout a changé. Les clients ont commencé à faire en ligne les opérations qu’ils ne faisaient qu’en agence auparavant. Le problème pour les banques qui ont un réseau d’agences, c’est que les loyers n’existent pas sur internet. S’il n’y a de la place que pour quelques banques sur la place du village, il y a de la place pour un nombre infini de banques sur Internet. N’importe quelle banque en ligne peut proposer ses services sur tout le territoire, sans ouvrir la moindre agence. Avec Internet, les banques traditionnelles ont perdu l’exclusivité qu’elles avaient sur leur clientèle.
Voyant arriver des concurrents qui s’en sortaient très bien sans payer le moindre loyer, certaines banques ont pris la décision de fermer des agences, pour réduire leurs coûts fixes. Après tout, si le fait d’avoir une agence sur la place du village ne garantit plus un accès privilégié à la clientèle du village, à quoi bon conserver une agence à cet endroit ? C’est implacable. Et pourtant, certaines banques, dont la BRED, ont pensé différemment. La BRED (qui possède 400 agences) s’est ainsi demandé : si les clients ne viennent plus en agence pour effectuer leurs opérations courantes, peut-être accepteront-ils de venir pour des opérations… moins courantes ? Mais qui dit opérations moins courantes dit opérations plus compliquées pour le banquier, ce qui implique plus de préparation en amont pour ce dernier. Pour laisser à ses banquiers le temps de bien préparer leurs rendez-vous, la BRED a mis en place un système de réservations obligatoires. Les clients qui désirent parler à leur banquier doivent prendre rendez-vous avec lui. Pour éviter que les chargés d’affaires ne sèchent face aux questions les plus pointues des clients (qui ne viennent plus par hasard), la BRED a également pris le temps de former ses banquiers. Résultat des courses : les ventes de produits bancaires ont augmenté d’un tiers (30 %). Prochaine étape : des banquiers itinérants pour décorréler agences et banquiers ?
P.-S. Memo Bank possède certes des bureaux à Paris et à Lyon, mais nos chargés d’affaires se déplacent dans toute la France. Grâce à Internet, nos banquiers ont accès à leurs outils partout où ils vont.
La banque est un loup pour la banque
Imaginez la scène : les banques traditionnelles et les fintechs sont sur un bateau. Soudain, les banques traditionnelles tombent à l’eau. La question qui suit est : qui les a poussé ? À cette question, il serait tentant de répondre : les fintechs, avec l’aide de la Covid-19. L’explication est toute trouvée. Puisque les clients ont appris à se passer de leur agence durant le confinement, ils étaient mûrs pour se ruer dans les bras des fintechs, ces entreprises technologiques qui proposent des services financiers en ligne. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples que ça. Le cabinet de conseil McKinsey publie une étude qui montre que, parmi les Américains qui n’avaient pas de compte dans une fintech avant le début de la pandémie, seuls 7 % ont décidé de sauter le pas du fait de la pandémie. Les autres clients étaient indifférents avant et le sont toujours maintenant — la preuve, selon McKinsey, que les fintechs séduisent avant tout les personnes à qui elles plaisent déjà.
À qui profite la pandémie alors ? D’après Patrice Bernard, la baisse de la fréquentation des agences profite aux établissements bancaires qui offrent les meilleurs services de banque en ligne, comme BBVA. Les banques qui se reposaient sur leur réseau d’agences, et qui traînaient des pieds pour moderniser leurs services en ligne, ont sans doute perdu quelques clients. Mais ces derniers ne sont pas partis chez une jeune fintech, non, ils ont tout simplement traversé la rue pour ouvrir un compte dans une banque ordinaire dont les services en ligne sont supérieurs. Les clients ne sont pas allés des banques vers les fintechs, mais des banques vétustes sur le plan technique vers des banques vraiment modernes. Et pour cause : McKinsey montre que les Américains font davantage confiance aux banques qu’aux fintechs pour gérer leur argent.