Les mesures du gouvernement pour aider les PME en difficulté
Après la crise, l’heure est désormais à la sortie de crise. Et qui dit sortie de crise, dit fin progressive des aides mises en place durant la crise. Pour aider les entreprises les plus fragiles à sortir de la crise, sans engloutir le peu de trésorerie qui leur reste dans le remboursement de leurs dettes, le ministre de l’Économie vient d’annoncer de nouvelles mesures de soutien, dont certaines pourraient profiter aux PME. Objectif de ces nouvelles mesures : détecter les entreprises saines mais trop endettées pour se sortir seules de la crise et les orienter vers des solutions adaptées, comme un étalement de leurs remboursements ou l’annulation partielle de leurs créances. Faisons le point sur ce qu’envisage le gouvernement, mesure par mesure.
Tout d’abord, France oblige, un « comité national de sortie de crise » fait son apparition. Ce comité a pour mission de coordonner les différents acteurs censés aider les entreprises en difficulté à se remettre en selle : banques, administrations centrales, tribunaux de commerce… Ensuite, décentralisation oblige, ce comité national sera complété, dans chaque département, par un « comité départemental de sortie de crise », dont les préfets auront la responsabilité. Ces comités seront tous tenus au secret des affaires et au secret fiscal. Les PME qui prendront contact avec un comité de sortie de crise pourront donc le faire en toute discrétion. Quand on sait que certains dirigeants hésitent à demander de l’aide par peur d’être pointés du doigt, la garantie de confidentialité offerte par les comités de sortie de crise semble bienvenue.
Pour le gouvernement, il s’agit d’inciter les entreprises en difficulté à se manifester auprès des tribunaux de commerce le plus tôt possible, c’est-à-dire avant que les entreprises ne se déclarent en cessation de paiement. Pourquoi ? Parce qu’en matière de santé publique comme en matière de finance d’entreprise, mieux vaut prévenir que guérir. S’appuyant sur une étude de la Banque de France (en anglais), le ministère de l’Économie montre que les entreprises qui s’engagent dans des procédures préventives, comme la procédure de sauvegarde, ont plus de chances de survivre que celles qui s’engagent dans des procédures collectives traditionnelles, comme le redressement judiciaire. Dit autrement, plus une entreprise envoie un SOS tôt, et plus elle a de chances, non seulement de survivre, mais aussi de restructurer ses dettes — en étalant par exemple ses remboursements dans le temps.
Comment détecter les entreprises tangentes, celles qui sont susceptibles de se retrouver en cessation de paiement dans les mois qui viennent ? Pour repérer les entreprises chancelantes, l’État compte s’appuyer sur un système d’analyse statistique qui a déjà fait ses preuves ; ce système, c’est Signaux faibles. À quoi sert Signaux faibles ? Pour le dire vite, Signaux faibles agit comme un cardiofréquencemètre qui surveillerait le pouls de plus de 400 000 entreprises dans le but de prévenir les accidents cardiaques. Concrètement, Signaux faibles croise les données de plusieurs administrations, comme les bilans déposés aux greffes des tribunaux de commerce ou les demandes d’activité partielle, dans le but d’estimer si une entreprise risque de se retrouver en cessation de paiement dans les 18 prochains mois. Voyez ça comme un baromètre.
Avec l’aide de Signaux faibles, le gouvernement espère détecter à temps les entreprises en difficulté pour les orienter vers des procédures préventives. La bonne nouvelle, c’est que tout le monde semble disposé à mettre la main à la pâte. Les experts-comptables et les commissaires aux comptes s’engagent par exemple à proposer aux entreprises des diagnostics de sortie de crise « sans surcoût ». De leur côté, les greffiers des tribunaux de commerce proposent aux dirigeants un outil en ligne leur permettant d’évaluer la situation dans laquelle se trouve leur entreprise. Pour compléter le tableau, les administrateurs et les mandataires judiciaires acceptent de fournir des diagnostics gratuits à tous les chefs d’entreprise qui s’interrogent sur la situation financière de leur société. Enfin, les banques auront aussi un rôle à jouer dans cette histoire, puisque le ministère de l’Économie les désigne comme volontaires pour recevoir en rendez-vous les entreprises qui présenteraient des difficultés.
Pour les entreprises qui passeraient sous les radars de Signaux faibles et qui se retrouveraient malgré tout en cessation de paiement, le gouvernement propose une procédure collective « simplifiée ». Au même titre que les redressements judiciaires, dont nous avons déjà parlé, la procédure simplifiée prévue par le gouvernement sera gérée par les tribunaux de commerce. Cette procédure exceptionnelle devrait être proposée pendant 2 ans aux entreprises qui comptent moins de 20 employés et dont le passif n’excède pas 3 millions d’euros (des conditions qui seront précisées dans un prochain décret). Que peuvent bien y gagner les entreprises concernées ? Du temps, avant tout, car la procédure simplifiée devrait permettre aux entreprises de restructurer leur dette en 3 mois, contre 6 mois (au moins) pour les redressements judiciaires ordinaires. Autres avantages : avec cette nouvelle procédure, les créanciers ont la certitude que leurs créances ne seront pas annulées, les employés ont la garantie de ne pas être licenciés, et les dirigeants ont l’assurance de ne pas se faire ravir leur entreprise par un repreneur hostile — puisque la cession (revente) est ici exclue.
Dernière chose, administration oblige, un numéro vert vient d’être mis en place pour que les chefs d’entreprise puissent poser leurs questions à l’URSSAF. Il s’agit du 0806 000 245. Et si vous vous posez la question, oui, il semblerait que ce numéro fonctionne, lui, contrairement aux numéros des autres services de secours, qui ont malheureusement sonné dans le vide pendant de longues heures, suite à une panne chez Orange, comme le rapporte Next Impact dans un article détaillé sur le sujet.
Les bénéfices (et l’endettement) des PME ont augmenté en 2020
Si 1969 fut une année érotique, comme l’ont chanté Serge Gainsbourg et Jane Birkin, l’année 2020 fut quant à elle une année erratique, compliquée, hachée. La faute à une pandémie surprise ayant entraîné plusieurs épisodes de confinement pas franchement propices aux affaires. Pourtant, en dépit de ce contexte difficile, les bénéfices des PME ont malgré tout progressé en 2020. Oui, vous avez bien lu : les bénéfices enregistrés par les PME ont progressé de 2 % en moyenne entre 2019 et 2020. Ce n’est pas Serge Gainsbourg qui l’affirme après un énième Daïquiri de trop, mais l’ordre des experts-comptables après avoir étudié les liasses fiscales de 265 000 entreprises. Pour parvenir à cette conclusion, l’ordre des experts-comptables a épluché les télé-déclarations fiscales faites par les 20 000 comptables qui travaillent pour le compte de PME.
2020, année terrible, mais année de bénéfices tout de même pour les PME. Comment est-ce possible ? Comment expliquer ce décalage ? Pour les experts-comptables, si les bénéfices des PME ont augmenté alors que la plupart d’entre elles sont restées en partie fermées, c’est parce qu’elles ont bénéficié d’aides de l’État, sous la forme du fonds de solidarité (qui permettait de toucher jusqu’à 10 000 € par mois), de reports de charge, et d’activité partielle pour les employés (chômage). Comme ces aides ne sont pas imposables, et comme de nombreuses PME ont pu continuer à travailler pendant les différents épisodes de confinement, certaines d’entre elles ont enregistré une hausse de leur résultat net (bénéfice) en 2020, hausse atteignant par exemple 18,90 % pour les activités de service. Attention tout de même : si certaines PME ont tiré leur épingle du jeu en 2020, d’autres n’ont pas eu cette chance. La moitié des entreprises étudiées par l’ordre des experts-comptables ont connu une baisse de leur résultat net supérieure ou égale à 5 %.
Il n’y a pas que les bénéfices des PME qui ont globalement progressé en 2020, leur endettement s’est lui aussi envolé. Les experts-comptables constatent une hausse moyenne de l’endettement (emprunts et dettes financières) de 9,2 % entre 2019 et 2020. Ce chiffre ne sort pas de nulle part, il s’explique en bonne partie par le recours au prêt garanti par l’État, un crédit de trésorerie mobilisé par plus de 32 000 PME en 2020. Là encore, cette moyenne mérite d’être nuancée. S’il est vrai que l’endettement brut des PME a augmenté en 2020, leur trésorerie s’est aussi renforcée, ce qui signifie que leur endettement net (qu’on obtient en retranchant la trésorerie à l’endettement brut) a peu augmenté. Comme l’a rappelé la Banque de France en février dernier, l’endettement net des entreprises a peu augmenté, contrairement à leur endettement brut. Par exemple, une PME qui aurait eu recours à un PGE de 1,4 million d’euros en avril 2020, et qui n’y aurait pas touché par la suite, aurait vu son endettement brut augmenter, mais pas son endettement net. Reste à savoir dans quelle mesure ce surcroît d’endettement entamera la capacité des entreprises à rebondir.