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La cotation Banque de France évaluera la durabilité des entreprises

Hadrien Léger

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02 décembre 2022

La newsletter Memo Bank du 2 décembre 2022.

Bonjour, vous lisez la newsletter de Memo Bank, la nouvelle banque indépendante pour les PME. Si vous nous suivez déjà depuis quelque temps, merci beaucoup. Et si vous nous découvrez tout juste, bienvenue à vous.

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La cotation Banque de France intégrera des critères environnementaux

C’est une déclaration qui a fait peu de bruit, mais qui pourrait présager un bouleversement de la vie des entreprises françaises. Le 23 novembre dernier, au cours d’un événement à Lyon, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a déclaré que la cotation Banque de France intégrerait dès 2024 des critères environnementaux. Autrement dit, la Banque de France n’évaluera plus seulement la santé financière des entreprises françaises, mais aussi leur responsabilité en matière environnementale.

Rappelons ce qu’est la cotation Banque de France. C’est une note qui évalue la capacité des entreprises françaises à rembourser leurs dettes, dans un horizon de 1 à 3 ans. La Banque de France attribue cette cotation à toutes les entreprises françaises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 000 euros. Les banques s’en servent lorsqu’elles examinent la demande de financement d’une entreprise, et se demandent si celle-ci parviendra à rembourser l’argent emprunté. Les entreprises cotées, elles, disposent grâce à la Banque de France d’un indicateur de leur situation financière, et de leur capacité à obtenir un crédit.

La cotation Banque de France est un outil qui évolue régulièrement. Le 8 janvier dernier, la Banque de France avait affiné son échelle de cotation, la faisant passer de 13 à 22 niveaux. Fin octobre 2021, François Villeroy de Galhau avait annoncé que le respect des délais de paiement serait désormais intégré au calcul de la cotation.

La cotation Banque de France est une pièce clé du financement des entreprises françaises, qui influence l’orientation des flux financiers en provenance des banques. Mieux une entreprise est cotée, plus elle a de facilités à obtenir un crédit. Si la cotation Banque de France intègre demain des critères environnementaux, cela pourrait signifier qu’une entreprise peu vertueuse en matière environnementale aurait plus de mal à obtenir un crédit qu’une entreprise de même santé financière, mais plus vertueuse sur le plan écologique.

Comme l’annonce de François Villeroy de Galhau n’était qu’une annonce, il reste deux inconnues majeures. D’abord, quels critères environnementaux la Banque de France analysera-t-elle ? On peut imaginer que la quantité d’émissions de gaz à effet de serre (GES) causée par l’activité de l’entreprise sera un critère important de son évaluation — quantité d’émissions que les entreprises calculent aujourd’hui en effectuant leur bilan carbone. D’autres données pourraient être analysées, comme l’influence de l’entreprise sur la biodiversité. Deuxième inconnue : la façon dont l’analyse environnementale de la Banque de France se matérialisera. Les critères environnementaux seront-ils directement intégrés à la cotation, en l’orientant à la hausse ou à la baisse ? Ou bien les entreprises recevront-elles une cotation supplémentaire, en plus de leur cotation habituelle ?

La démarche de la Banque de France s’inscrit en tout cas dans la droite ligne de la volonté de l’Union européenne (UE) de développer la « finance verte », ou « finance durable », c’est-à-dire d’orienter les financements vers les entreprises qui essaient de concilier développement économique et responsabilité environnementale — et de rendre plus compliqués les financements des entreprises qui ont une influence négative sur l’environnement, par exemple parce que leur activité émet beaucoup de GES.

Deux systèmes permettent aux entreprises de se financer : les banques et les marchés financiers. Les banques sont au cœur de la question climatique, puisqu’elles influencent de façon indirecte la transition énergétique des entreprises, par l’intermédiaire des crédits qu’elles accordent, ou n’accordent pas. Une banque peut avoir une influence en décidant par exemple de faciliter l’accès au crédit aux entreprises responsables, ou en refusant de financer des projets liés aux énergies fossiles. Rappelons qu’en Europe, les banques représentent 70 % du financement par dette des entreprises, et la quasi totalité du financement par dette des PME. Des voix de plus en plus fortes venues de la société civile accusent les banques de favoriser le réchauffement climatique, parce qu’elles octroient des crédits aux grands groupes des énergies fossiles. L’une de ces principales voix, l’ONG Reclaim Finance, pointe régulièrement du doigt la responsabilité des banques françaises et européennes. À ces accusations, la Fédération bancaire française répond que les banques françaises investissent quatre fois plus dans des projets d’énergies renouvelables que d’énergies fossiles.

Pour l’heure, en matière de finance verte, l’UE cherche moins à contraindre les conditions d’octroi des banques qu’à mettre de l’ordre dans les marchés financiers, où règne une certaine confusion au sujet de la finance verte. Et pour cause : il est plus simple de mettre en place des normes pour définir ce que sont des investissements verts, que d’infléchir la politique de crédit des banques. Depuis une dizaine d’années, les investisseurs qui placent leur argent sur les marchés financiers (particuliers, entreprises, compagnies d’assurances, banques…) ont accès à de plus en plus de placements « responsables », souvent regroupés sous le terme « ESG » (environnement, société, gouvernance). Ces placements parviendraient à concilier rentabilité financière et prise en compte de critères environnementaux (les investissements financent des projets d’énergie renouvelable, par exemple), sociaux (les entreprises dans lesquelles les fonds sont investis respectent les droits des salariés), et de gouvernance (les entreprises ne se livrent pas à des activités de corruption).

Problème : il n’y a pas de standard qui définit ce qu’est un placement qui respecte des critères ESG, ni d’obligation pour les sociétés de gestion qui gèrent des fonds d’investissement ESG de prouver que leurs fonds sont responsables. Tous les fonds n’ont ainsi pas la même méthode pour déterminer si leurs investissements sont durables. La méthode « best in class », par exemple, consiste à considérer qu’une entreprise peut être la destination d’un investissement responsable, si elle est la plus vertueuse de son secteur en matière environnementale — même si l’activité du secteur est par essence fortement émettrice de gaz à effet de serre. Par ailleurs, comme le sigle ESG distingue trois types de préoccupations (environnementale, sociale, de gouvernance), vous pouvez investir dans un fonds ESG qui ne s’intéresse qu’à une seule de ces trois préoccupations — une entreprise d’extraction d’énergie fossile vertueuse en matière de traitement de ses salariés, par exemple.

Il est donc aujourd’hui très difficile pour un investisseur qui souhaite mettre son argent dans des projets durables, qui favorisent la transition énergétique, ne contribuent pas à polluer les océans, à menacer la biodiversité, d’être certain qu’il ne financera pas des projets mauvais pour l’environnement. La presse se fait souvent l’écho de l’écart entre l’affichage « vert » des fonds et la réalité de leurs investissements. Le 29 novembre dernier, Le Monde a publié une enquête menée avec d’autres journaux européens, montrant que la moitié des fonds « durables » investiraient dans des entreprises liées aux énergies fossiles.

C’est pour faire de la finance verte un véritable instrument de la lutte contre le réchauffement climatique, que l’UE a mis en place deux règlements : le Sustainable Finance Disclosure (SFDR), et la taxonomie verte. Le SFDR, qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2023, a pour objectif d’obliger les sociétés de gestion qui ont créé des fonds prétendument responsables en matière environnementale, à prouver de façon rigoureuse que les investissements ont un impact positif sur l’environnement. Le SFDR crée une grille unique de normes et d’informations que les sociétés de gestion doivent communiquer aux investisseurs, de façon précontractuelle (avant que les investisseurs ne mettent leur argent dans le fonds), et de façon périodique, pendant toute la durée de vie du fonds. La taxonomie verte est une classification des activités économiques vertes et des activités économiques polluantes, sur laquelle pourront s’appuyer les gestionnaires d’actifs et les investisseurs pour savoir si des investissements sont durables ou non.

Les ex-employés de licornes créent eux-mêmes des start-up

À en croire l’étude publiée par la société de capital-risque Accel, les start-up se créent par bouturage. En partenariat avec la plateforme d’analyse de données Dealroom, Accel a consacré une étude à un phénomène déjà bien documenté dans la Silicon Valley, et connu sous le nom de « mafia » des fondateurs. Les anciens dirigeants ou employés de start-up à succès fondent d’autres start-up, ce qui nourrit le dynamisme d’un écosystème numérique. La « mafia Paypal », par exemple, désigne trois dirigeants de Paypal qui ont fondé, après leur revente de Paypal, des entreprises comme Tesla, LinkedIn et Palantir.

Accel a classé les licornes européennes en fonction des start-up créées par les ex-employés de ces licornes — licornes que la société de capital-risque appelle « founder factories », usines à fondateurs de start-up. Criteo est la licorne (aujourd’hui une entreprise cotée) dont les ex-employés ont créé le plus de start-up : 29. Suivent Spotify et Delivery Hero (27 start-up), N26 (24), Klarna et Revolut (23), Skype et Blablacar (21). C’est le secteur des fintech, l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie numérique européenne, qui comporte le plus de « mafias » : au cours des 14 dernières années, 310 start-up en Europe ont été créées par des anciens employés de 61 licornes dans la fintech. 40 % de ces start-up étaient elles-mêmes des fintech.

C’est au Royaume-Uni que les employés de licornes ont créé le plus de start-up, avec 168 start-up créées par des ex-employés de 27 licornes. Suivent l’Allemagne (138 start-up créées pour 24 licornes) et la France (125 start-up créées pour 22 licornes).

À parcourir

Conséquence de la baisse du prix des matières premières depuis la fin de l’été, l’inflation se stabilise dans la zone euro. lesechos.fr

L’enregistrement de notre conférence en ligne sur le thème du crédit bancaire est en ligne. youtube.com

Responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre mondiales, et elle-même touchée par un nombre croissant de catastrophes climatiques, comment la Chine lutte-t-elle contre le réchauffement climatique ? Analyse de la Fondation Jean Jaurès. jean-jaures.org

Alors que la Banque centrale européenne devrait continuer à augmenter ses taux en 2023, la Banque de France a réalisé une vidéo didactique expliquant ce que sont les taux directeurs des banques centrales. banque-france.fr

La dépendance de l’économie française aux métaux extraits hors de ses frontières s’accentue avec la transition énergétique. Pour sécuriser ces approvisionnements stratégiques, le gouvernement a créé le 29 novembre l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles. lemonde.fr (article payant)

Des chiffres

Après le plan à 200 milliards d’euros de l’Allemagne pour protéger son économie de la crise énergétique, c’est au tour des États-Unis de dégainer un plan d’investissement, avec l’Inflation Reduction Act. Joe Biden débloque 370 milliards de dollars de subventions et de crédits d’impôts pour les entreprises qui produisent aux États-Unis. Emmanuel Macron est en voyage aux États-Unis pour plaider la cause des Européens, qui craignent que la plan américain n’assèche les investissements dans l’industrie européenne.

Des lettres

« Ah ! c’est juste, dit l’abbé Faria. Nous sommes prisonniers ; il y a des moments où je l’oublie, et où, parce que mes yeux percent les murailles qui m’enferment, je me crois en liberté. »

— Alexandre Dumas (1846). Le Comte de Monte-Cristo

À pourvoir

DevOps. — Nous recrutons une personne au poste de Site reliability engineer (SRE). Si vous avez suivi les discussions sur la panne imminente de Twitter avec une certaine distance, et si vous souhaitez nous aider à assurer la disponibilité de nos applications, écrivez-nous.

Commercial. — Nous cherchons un ou une account executive pour rejoindre notre équipe commerciale. Venez nous aider à faire connaître Memo Bank auprès des dirigeants qui ne passent pas leur dimanches à chercher une alternative à leur banque traditionnelle.

Hadrien Léger

Rédacteur