Un confinement peut en cacher un autre
C’est reparti pour un tour (de vis). S’il n’a pas prononcé le mot « confinement » lors de son allocution du 31 mars, le président de la République a fait savoir que les restrictions déjà en vigueur dans 19 départements français allaient être étendues au territoire tout entier, à partir du samedi 3 avril et ce pour une durée de 4 semaines. Quelles conséquences pour les entreprises ? Les commerces dits « non essentiels » vont devoir fermer pendant un mois. Quels sont les commerces autorisés à ouvrir, les fameux commerces « essentiels » ? À en croire les données de Google, beaucoup de Français se sont posé cette question. La réponse, la liste des commerces dits « essentiels », se trouve sur le site du gouvernement. Au bas de cette liste figurent les « activités financières et d’assurance », ce qui signifie que les banques pourront rester ouvertes. Et si vous vous posez la question, rassurez-vous, oui, les chocolatiers vont bien pouvoir ouvrir à Pâques.
Que va-t-il se passer pour les entreprises qui n’ont pas de boutiques ? Que deviennent les bureaux ? C’est compliqué. Le ministère du Travail indique sur son site que tous les salariés qui peuvent faire du télétravail doivent faire du télétravail, sans exception. Pour les salariés qui peuvent travailler depuis chez eux, le ministère recommande même cinq jours de télétravail par semaine (télétravail à 100 %). Néanmoins, conscient que certains salariés ne peuvent pas travailler dans de bonnes conditions depuis leur domicile, le ministère tolère un jour de présence au bureau par semaine. Le télétravail est donc obligatoire tout le temps (à 100 %), mais uniquement pour les entreprises qui le peuvent, et au moins 4 jours par semaine (80 % du temps). Les entreprises contraintes de fermer à nouveau vont-elles bénéficier d’aides ? Le chef de l’État a confirmé que toutes les mesures de soutien aux entreprises actuellement en vigueur allaient le rester. Piqûre de rappel : les dirigeants ont jusqu’au 30 juin 2021 pour demander un prêt garanti par l’État (PGE) à leur banque.
Bientôt des formations au numérique pour les PME
Qui dit retour du confinement des mesures de freinage de l’épidémie, dit reprise de la vente en ligne pour les entreprises forcées de fermer. Problème : parmi les entreprises contraintes de garder le rideau baissé en avril, certaines n’ont ni site internet, ni page Facebook, ni même de quoi envoyer des e-mails à leurs clients les plus fidèles. Or comment vendre en ligne sans présence en ligne ? C’est précisément pour aider les PME peu ou pas numérisées que le gouvernement a lancé un premier appel à projets le 19 janvier dernier. L’objectif de cet appel ? Identifier des sociétés capables de former les PME aux outils numériques : création et référencement de site web, publicité sur Internet, communication sur les réseaux sociaux, envoi d’e-mails marketing, recrutement en ligne, et ainsi de suite…
Où en sommes-nous ? France Num, l’agence gouvernementale chargée d’aider les entreprises à se numériser, dit avoir retenu 9 organismes de formation au terme de l’appel du 19 janvier. Parmi les organismes retenus, on trouve l’AFNIC, l’association qui gère les noms de domaine en .fr, ou encore Simplon, une école de développement informatique. Et maintenant ? Si un deuxième appel à projets est en cours pour identifier d’autres formateurs potentiels, France Num assure que 18 000 entreprises pourront bientôt bénéficier des formations proposées par les 9 organismes déjà retenus. Que signifie « bientôt » ? Bpifrance devrait mettre en ligne un premier calendrier de formation dès… la fin du mois d’avril. Il suffira ensuite aux PME de faire leur choix et de prendre contact avec le formateur qui les intéresse.
Le lien entre PGE et cotation Banque de France
« J’ai fait mon choix : sacrifier le présent pour sauver l’avenir. » C’est ce qu’aurait déclaré en 1941, Robert Puiseux, l’homme qui dirigeait alors Michelin, pour justifier son refus d’engager l’entreprise Clermontoise dans la collaboration avec l’Allemagne nazie. Faisant le pari que la guerre ne durerait pas éternellement, le fabricant de pneumatiques Auvergnat ne s’est pas dégonflé face aux pressions émanant de Berlin et du régime de Vichy. Alors que certains de ses homologues français se compromettaient, le groupe Michelin a préféré voir ses approvisionnements coupés durant quelques années, plutôt que de céder à jamais des marchés à ses concurrents allemands. Si ce que vivent les chefs d’entreprise aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le dilemme auquel fut confronté Robert Puiseux durant l’Occupation (collaborer ou résister), la question de la primauté du présent sur l’avenir se pose encore pour bon nombre de dirigeants. Et pour cause : 660 000 patrons doivent actuellement décider s’ils remboursent leur prêt garanti par l’État (PGE) tout de suite, ou s’ils étalent leurs remboursements sur plusieurs années, comme nous en avons parlé la semaine dernière dans cette newsletter.
Quel rapport entre le PGE, le présent, et l’avenir des entreprises ? Réponse : plus une entreprise remboursera vite et son PGE et meilleure sera sa cotation Banque de France, ce qui lui permettra d’emprunter plus facilement à l’avenir. C’est en tout cas ce que laisse entendre Maryse Chabaud, directrice départementale de la Banque de France du Val-de-Marne, dans un entretien accordé au Journal des entreprises. En d’autres termes : le choix de rembourser ou non un PGE rapidement ne sera pas neutre du point de vue de la Banque de France. Les entreprises qui choisissent de rembourser leur PGE tout de suite vont certes tirer un peu la langue (sacrifice du présent), mais elles bénéficieront en retour d’une cotation Banque de France favorable (sauvetage de l’avenir). Inversement, les dirigeants qui décident d’étaler le remboursement de leur PGE sur plusieurs années vont certes se ménager un peu de trésorerie (sauvetage du présent), mais au prix d’un ratio d’endettement élevé, ce qui pourrait réduire leur accès au crédit dans les années qui viennent (sacrifice de l’avenir). Autres temps, autres dilemmes.