Les banquiers savent qu’une entreprise vit et meurt par les qualités et les défauts de son dirigeant. En plus de s’intéresser aux ratios d’une entreprise, les banquiers s’intéressent donc aussi à la personne qui la dirige. Pour jauger la direction d’une entreprise, le banquier peut s’appuyer sur deux éléments : la relation qu’il entretient avec un dirigeant (1) et les données que lui fournit la Banque de France (2).
Les facteurs humains
Dans la décision d’octroyer ou non un crédit, les facteurs humains comptent au moins autant que les indicateurs chiffrés. Quels sont les éléments auxquels votre banquier pourrait s’intéresser ? Il y en a plusieurs. En voici quelques uns :
- Le dirigeant : la personne à la tête de l’entreprise est-elle fiable ? A-t-elle honoré ses engagements par le passé ? Est-elle cliente de la banque depuis longtemps ?
- L’entreprise : l’entreprise est-elle en bonne santé ? Est-ce que son endettement est en hausse ou en baisse ? Qu’en est-il de son chiffre d’affaires, de ses commandes, de ses perspectives ?
- Le projet de financement : combien demande l’entreprise ? Sur quelle durée ? Et pour faire quoi ? A-t-elle un apport ? Quel est le type de crédit demandé ? Dans quel contexte ce crédit s’inscrit-il ?
- La relation avec la banque : l’entreprise a-t-elle confié suffisamment de flux à la banque ? A-t-elle souscrit à des services bancaires ? A-t-elle déjà fait une demande de crédit par le passé ?
Si vous pouvez soigner vos ratios financiers en améliorant votre trésorerie, vous pouvez aussi soigner vos relations avec vos différents banquiers en répartissant vos flux bancaires intelligemment, de manière à impliquer tous vos banquiers dans la réussite de votre société.
La cotation Banque de France
Par delà les ratios et les facteurs humains, les banques ont aussi pris l’habitude de garder un œil sur un indicateur qu’elles connaissent bien : la cotation Banque de France des entreprises. De quoi s’agit-il ? Depuis 1982, les entreprises qui font plus de 750 000 € de chiffre d’affaires par an se voient attribuer une « cotation » par la Banque de France, c’est-à-dire une sorte de note, qu’on désigne sobrement sous le nom de « cotation Banque de France ». Toutes les cotations établies par la Banque de France sont recensées dans la base de données FIBEN (fichier bancaire des entreprises), à laquelle les banques ont accès (en payant). En France, plus de 270 000 entreprises disposent d’une cotation Banque de France, et la plupart des cotations (75 %) sont revues tous les ans, pour coller le plus possible à la réalité.
Mais à quoi sert cette fameuse cotation, au juste ? La cotation Banque de France joue le rôle d’indicateur financier objectif, elle renseigne les banques sur la capacité de telle ou telle entreprise à rembourser ses dettes. Comment la cotation Banque de France est-elle déterminée ? C’est un peu technique, mais disons que la cotation se décompose en deux notes : la cote d’activité (1) et la cote de crédit (2).
- La cote d’activité représente le niveau d’activité de l’entreprise, c’est-à-dire son chiffre d’affaires. Les entreprises sont classées de A (chiffre d’affaires important) à N (chiffre d’affaires négligeable).
- La cote de crédit représente quant à elle la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements financiers à un horizon de trois ans. Les entreprises sont classées de 3++ (excellente capacité de remboursement) à 9 (entreprise au bord du défaut de paiement).
Pour établir ces deux cotes, la Banque de France croise des données issues des greffes des tribunaux, des banques, de l’INSEE, des publications légales, et des entreprises elles-mêmes — qui peuvent transmettre leurs comptes annuels à la Banque de France, délibérément. Une fois la cote d’activité et la cote de crédit toutes les deux établies, la Banque de France les rapproche, les croise, pour obtenir une cotation complète, qui est alors ajoutée à la base FIBEN, sous la forme de sigles, comme A3+, F6, ou G5. Pour aider les entreprises à se situer par rapport aux autres sur le plan financier, la Banque de France leur communique leur cotation, quand elle existe.
Si une entreprise peut consulter sa propre cotation Banque de France, elle n’a pas accès à celles des autres entreprises. Quant aux banques, elles peuvent accéder aux cotations de toutes les entreprises recensées dans la base FIBEN (en payant), mais elles ne peuvent pas les diffuser, elles doivent les garder pour elles. Si les banques traditionnelles ont mis en place leur propre système de notation des entreprises depuis 2007, elles s’appuient toujours sur les cotations de la Banque de France, au moins à titre indicatif, pour voir les encours de crédit de telle ou telle entreprise par exemple. Dans son rapport annuel de 2019, la Banque de France indique que la base FIBEN est consultée plus d’un million de fois par mois par les établissements qui y ont accès — la preuve que les banques s’en servent donc copieusement.
Comment améliorer votre cotation Banque de France ? La première chose à faire pour soigner votre cotation, c’est d’en prendre connaissance régulièrement, soit en interrogeant la base FIBEN, soit en prenant rendez-vous dans une antenne de la Banque de France. La deuxième chose à faire, c’est de transmettre vos bilans à la Banque de France, pour montrer que vous jouez le jeu de la cotation. La troisième chose à faire, c’est d’aller à la rencontre de la Banque de France, en vous rendant dans une antenne locale, pour demander un entretien avec un expert. L’entretien permet à la Banque de France de compléter votre dossier et de mieux comprendre vos choix financiers, ce qui peut se traduire par une révision à la hausse de votre cote de crédit.
L’indicateur dirigeant
En plus d’attribuer une cotation à certaines entreprises (270 000 au total), la Banque de France attribue aussi une note aux dirigeants, note qui figure elle aussi dans la base FIBEN, sous le nom « d’indicateur dirigeant ». Pour faire l’objet d’un indicateur dirigeant, il faut diriger une entreprise, ou en avoir dirigé une par le passé — soit au titre de représentant légal d’une personne morale, soit au titre d’associé, soit en tant qu’entrepreneur individuel. Au total, plus de 5,5 millions de dirigeants figurent dans la base FIBEN, d’après les chiffres de la CNIL.
Dans la plupart des cas, l’indicateur dirigeant d’un chef d’entreprise est vierge, c’est-à-dire qu’il n’est associé à aucune décision de justice (liquidation, redressement, faillite). Dans ce cas, la Banque de France attribue la note 000 au dirigeant — triple zéro, la meilleure note. Contrairement aux parents d’élèves, qui se lamentent devant une note nulle, les banquiers (qui ont accès aux indicateurs dirigeants) apprécient de voir qu’un dirigeant a obtenu 000, car c’est le signe que ce dernier n’est pas concerné par une procédure judiciaire.
En tant que dirigeant, ou associé, vous pouvez consulter votre indicateur dirigeant dans la base FIBEN. Pourquoi devriez-vous faire en sorte qu’il indique 000 ? Parce que les banques surveillent cet indicateur de près. À l’inverse des cotations Banque de France, que les banques traditionnelles recalculent plus ou moins de leur côté désormais, l’indicateur dirigeant est examiné « tel quel » par les établissements bancaires, car seule la Banque de France dispose des informations permettant de l’établir, de le déterminer.
En soignant vos ratios financiers, vos relations avec votre banquier, et vos indicateurs Banque de France, vous mettrez toutes les chances de votre côté quand vous aurez besoin de financer un projet.