Voici ce que j’aurais aimé savoir avant de devenir le premier product manager d’une jeune banque destinée aux professionnels.
Avoir confiance en son rôle
Personne ne s’attend à ce qu’un product manager sache tout sur tout. Vous n’êtes pas là pour avoir réponse à tout, mais pour poser les bonnes questions. Faites preuve d’humilité face à la complexité, mais sans vous laisser écraser. Vous devez diffuser l’enthousiasme, pas l’anxiété. Faites de votre mieux, communiquez souvent, mettez en mouvement les motivations de vos collègues, et vous parviendrez à vos fins.
Définir la vision produit
- Prenez le temps de trouver les concepts qui conviennent à votre secteur. Cet exercice demande du temps et des efforts, ne le négligez pas. Une fois que vous aurez la bonne grille de lecture en tête, les bonnes catégories, les bons schémas, tout s’éclairera et vous parviendrez plus rapidement à de meilleures décisions.
- Parlez aux gens. Rencontrez des utilisateurs potentiels, mais aussi des régulateurs et des partenaires. Dans notre cas, nous avons parlé à des dirigeants, car ce sont eux qui prennent la décision d’ouvrir un compte en banque, mais nous avons aussi parlé aux personnes qui les assistent, car elles vont utiliser notre produit au moins autant que les dirigeants. Nous avons aussi diffusé deux questionnaires, un pour les entrepreneurs et un autre pour les banquiers, dans le but de mieux comprendre notre marché.
- Intéressez-vous à la stratégie de l’entreprise. Parlez aux fondateurs, lisez le business plan et participez aux discussions stratégiques. Plus vous ferez vôtre la stratégie de l’entreprise et mieux vous la traduirez en objectifs concrets pour les différentes équipes.
Apprendre à marcher avant de courir
Aidez vos collègues, simplifiez leur quotidien : adoptez les bons outils, partagez ce que vous savez, et améliorez le fonctionnement de l’organisation — en limitant le nombre de réunions, par exemple. Recommencez autant de fois que nécessaire. Quand nous avons commencé à travailler avec un designer indépendant, nous avons eu du mal à partager ses travaux avec le reste de l’équipe. Pour y remédier, nous avons mis en place Abstract, un outil de design collaboratif. Désormais, tout le monde peut contribuer à l’élaboration des interfaces.
Notre équipe est composée de personnes aux expériences différentes : certaines viennent d’entreprises technologiques, d’autres de la banque. Inutile de dire qu’elles n’ont pas le même avis sur l’utilité des réunions. Pour résumer très grossièrement les opinions des uns et des autres, disons que les employés du numérique apprécient peu les réunions alors que ceux des banques ont l’habitude d’y passer une bonne partie de leur temps. Trouver un terrain d’entente entre les deux camps n’est pas une mince affaire. Dans un article de blog, les équipes de chez Alan proposent une alternative intéressante aux réunions : la note écrite.
N’ayez pas peur de perdre du temps pour en gagner, de prendre le temps d’apprendre, de laisser à l’expérience le temps de vous instruire. Nous avons consacré plusieurs mois à l’élaboration d’un prototype, dans le seul but de nous familiariser avec notre nouveau métier. Une partie des membres de l’équipe ne voyait pas l’intérêt de commencer par un prototype, mais l’initiative s’est avérée concluante, non seulement pour apprendre à travailler ensemble, mais aussi pour nous faire une première idée de notre architecture technique. Le prototype en question ne nous sert évidemment plus, mais nous avons gardé de cette période d’excellents souvenirs et de quoi fonder une camaraderie — les personnes impliquées parlent encore de cette période avec le sourire.
Créer une feuille de route (roadmap)
Quelques conseils pour partir du bon pied :
- Concentrez-vous sur l’essentiel. Gardez en tête que vous n’avez pas besoin de réinventer la roue pour réussir — et personne ne vous en voudra si vous ne le faites pas. Faire la même chose, en mieux, suffit souvent à imposer sa différence. Dans notre cas, le coût (en temps et en moyens) nécessaire pour proposer les mêmes fonctionnalités que nos concurrents était si élevé, qu’il nous a forcés à faire des choix, à ordonner nos priorités — ce qui implique de laisser de côté, au moins temporairement, des projets qui nous sont chers. Pour créer notre feuille de route dans ce contexte, nous avons dû choisir entre deux pistes, deux prototypes radicalement différents. Inévitablement, nous avons longuement débattu avant de prendre une décision. Mais une fois notre décision prise, une fois notre choix fait, toute notre équipe a fait corps derrière notre projet et tous nos objectifs se sont alignés pour pointer vers la même direction, ce qui nous a permis de nous mettre au travail rapidement.
- Prenez le temps d’écouter tout le monde, pour vous assurer d’oublier le moins de choses possibles — car certains éléments vont nécessairement vous échapper.
- Impliquez votre équipe technique dans l’élaboration de la feuille de route. Sollicitez vos collègues le plus tôt possible, le plus en amont possible. Vous vous épargnerez ainsi des pépins par la suite — qu’ils soient d’ordre technique ou relationnel.
- Laissez-vous de la marge pour des ajustements de dernière minute. Commencez par travailler sur les fonctionnalités qui vous semblent essentielles et ne planchez sur les autres que s’il vous reste du temps à la fin.
- Une fois votre feuille de route créée, partagez-la et mettez-la souvent à jour. Product Board est un bon outil pour ça.
- Fixez-vous des objectifs tangibles, concrets, chiffrés. Et montrez régulièrement ce sur quoi vous avez travaillé lors de démonstrations destinées aux autres employés.
Envisager à court terme les besoins de long terme
Nous construisons une banque, une vraie banque indépendante. Nous abordons donc tout ce que nous faisons comme un projet industriel, ce qui nous oblige à voir plus loin que la fin du mois en cours. Si nous ne considérons pas suffisamment un sujet aujourd’hui nous en paierons le prix demain, ou après-demain. Par conséquent, nous faisons toujours le choix de la qualité, même si une solution passable aurait pu faire l’affaire à court terme et à moindre coût. Nous optons pour la voie la plus exigeante, non seulement en matière de produit, mais aussi en matière de procédures et d’outils internes.
Par exemple, nous cherchons à éviter les dépendances et les intermédiaires autant que possible, pour rester maîtres de notre infrastructure. Ce choix n’est pas gratuit, certes, mais il nous a poussés à investir du temps dans l’élaboration d’une architecture technique aussi exotique que prometteuse.
C’est presque vain de le rappeler, mais le choix de la qualité se fait au prix de la rapidité. Privilégier l’une revient à se détourner de l’autre. Pour autant, nous considérons notre biais pour la qualité comme un placement de long terme dont nous toucherons les intérêts plus tard. Quand viendra le temps de faire tourner nos opérations à grande échelle, nous pourrons monter dans les tours sans craindre de casser le moteur.